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digestions dans des maladies essentiellement différentes, c’est ce qui fait redouter la saignée à quelques medecins dans les maladies aiguës, dans la crainte d’augmenter le repompement de ces impuretés ; car tel est le danger de ces théories, qu’elles influent sur la pratique, & la rendent de plus en plus incertaine, au grand détriment de l’humanité.

Ces impuretés sont le plus souvent la suite & le résidu d’une mauvaise digestion ; quelquefois aussi elles dépendent d’une altération générale des humeurs ; elles sont la cause la plus fréquente des indigestions. Voyez ce mot. Pour les dissiper, il ne faut ordinairement que du régime, une diete sévere ; car, remarque avec raison le divin Hippocrate, aphoris. 9. lib. XI. plus on nourrira un corps impur, & plus on augmentera le mal. Celse recommande aux personnes chargées d’impuretés, de ne pas se baigner, corpora impura non sunt balneanda. Si quelques jours de diete ne dissipoient pas ces mauvais sucs, il faut donner un purgatif doux, ou un émétique, suivant l’indication ; mais il faut avoir soin de préparer à la purgation par beaucoup de lavages, de délayans, c’est un précepte du grand Hippocrate ; lorsqu’il s’agit de purger les corps impurs, dit-il, aphor. 10. lib. XI. il faut rendre les matieres fluxiles ; les purgatifs réussissent alors beaucoup mieux, & ne sont sujets à aucuns inconvéniens. On peut avant & après la purgation faire usage de quelque léger stomachique. On peut parmi ces remedes en choisir d’agréables, & qui n’en sont pas moins efficaces ; tels sont les vins robustes d’Alicante, de Malaga, de Bordeaux, &c. Un mets ou un remede qui plaît, quoique moins bon, doit être préféré à ceux qui, avec plus de vertu, seroient desagréables. Hippoc. aphor. 38. lib. XI.

Impureté, sub. fém. Impur, adj. (Morale.) le mot d’impureté est un terme générique qui comprend tous les déréglemens dans lesquels l’on peut tomber, relativement à la jonction charnelle des corps, ou aux parties naturelles qui l’operent. Ainsi la fornication, l’adultere, l’inceste, les péchés contre nature, les regards lascifs, les attouchemens deshonnêtes sur soi ou sur les autres, les pensées sales, les discours obscènes, sont autant de différentes especes d’impureté.

Il ne suffit pas d’être marié pour ne point commettre d’actions impures avec la personne que l’hymen semble avoir livrée entierement à nos desirs. Si la chasteté doit régner dans le lit nuptial, l’impureté peut aussi le souiller ; on ne doit point, comme Onan, tromper les fins de la nature. Les plaisirs qu’elle nous offre sont assez grands, sans qu’un rafinement de volupté nous fasse chercher à les augmenter : il est même des tems où elle nous les défend par les obstacles qu’elle y apporte, & que nous devons respecter. L’ancienne loi ordonnoit la peine de mort contre le mari qui dans ces momens-là ne mettoit pas de frein à ses sales desirs, & contre la femme qui se prêtoit à ses honteuses caresses.

Au reste, nous ne prétendons pas suivre l’impureté dans toutes ses routes, ni entrer dans des détails que la décence ordonne de supprimer. Nous ne discuterons pas jusqu’à quel point peuvent aller les attouchemens voluptueux, sans devenir criminels ; nous ne chercherons pas les circonstances où ils peuvent être permis ou même nécessaires ; nous nous garderons bien de décider, comme l’a fait un honnête jesuite, que le mari a moins à se plaindre, lorsque sa femme s’abandonne à un étranger d’une maniere contraire à la nature, que quand elle commet simplement avec lui un adultere ; parce que, dit-il, de la premiere façon on ne touche pas au vase légitime sur lequel seul l’époux a reçu des droits exclusifs. Il faut laisser toutes ces horreurs ensevelies sous

les cendres des Filliutius, des Escobar, & des autres casuistes leurs confreres, dont le parlement de Paris par arrêt du six Août 1761, vient de faire brûler les ouvrages, pour une raison plus importante encore.

Il y avoit dans l’ancienne loi une impureté légale qui se contractoit de différentes façons, comme par l’attouchement d’un mort, &c. on alloit s’en purifier par certaines cérémonies. C’est encore une des choses que Mahomet a prises chez les Juifs, & qu’il a transportées dans son alcoran.

La religion des Payens étoit remplie de divinités qui favorisoient l’impureté. Vénus en étoit la déesse, & les bois sacrés qu’on trouvoit ordinairement autour de ses temples, étoient les théatres de sa débauche. Il y avoit même des pays où toutes les femmes étoient obligées de se prostituer une fois en l’honneur de la déesse ; & l’on peut juger si la dévotion naturelle à leur sexe, leur permettoit de s’en tenir là. S. Augustin, dans sa cité de Dieu, rapporte que l’on voyoit au capitole des femmes impudiques qui se destinoient à satisfaire les besoins amoureux de la divinité, dont elles ne manquoient guere de devenir enceintes. Il est à croire que les prêtres s’en aidoient un peu, & desservoient alors plus d’un autel. Le même pere dit qu’en Italie, & sur-tout à Lavinium, dans les fêtes de Bacchus, on portoit en procession des membres virils, sur lesquels la matrone la plus respectable mettoit une couronne. Les fêtes d’Isis en d’autres pays étoient semblables à celles-là : c’étoit même relique & mêmes cérémonies.

On trouve encore dans la cité de Dieu, (lib. VI. cap. ix.) l’énumération des divinités que les Payens avoient créées pour le mariage, & auxquelles ils avoient donné des fonctions assez deshonnêtes, & qui présentoient des images fort impures. Lorsque la fille avoit engagé sa foi à son époux, les matrones la conduisoient au dieu Priape, qui avoit toûjours un membre d’une grosseur monstrueuse, sur lequel on faisoit asseoir la nouvelle mariée. On lui ôtoit sa ceinture, en invoquant la déesse appellée Virginiensis ; le dieu Subigus soumettoit la femme aux transports de son mari ; la déesse Préma la tenoit sous lui pour empêcher qu’elle ne se remuât trop ; & venoit enfin la déesse Sertunda, comme qui diroit perforatrice. Son emploi étoit d’ouvrir à l’homme le sentier de la volupté : heureusement que cette fonction avoit été donnée à une divinité femelle ; car, comme le remarque très-bien S. Augustin, le mari n’eût pas souffert volontiers qu’un dieu lui rendît ce service ; & (pourroit-on ajouter encore) qu’il lui donnât du secours dans un endroit où trop souvent il n’a guere besoin d’aide.

IMPUTABILITÉ, s. f. (Droit naturel.) c’est la qualité de l’action imputable en bien, ou en mal ; l’imputation est l’acte du législateur, du juge, du magistrat, ou de tout autre, qui met actuellement sur le compte de quelqu’un une action de nature à lui être imputée. Voyez Imputation. (D. J.)

IMPUTATION, s. f. (Droit politiq. & Moral.) Une qualité essentielle des actions humaines est d’être susceptible d’imputation ; c’est-à-dire, que l’agent en peut être regardé avec raison comme le véritable auteur, que l’on peut les mettre sur son compte ; tellement que les effets bons ou mauvais qui en proviennent, lui seront justement attribués, & retomberont sur lui comme en étant la cause.

Il ne faut pas confondre l’imputabilité des actions humaines avec leur imputation actuelle. La premiere est une qualité de l’action ; la seconde est un acte du législateur, du juge, &c. qui met actuellement sur le compte de quelqu’un une action qui de sa nature peut être imputée.

L’imputation est donc proprement un jugement par