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les, les causes collatérales doivent être traitées également ; mais les causes principales méritent sans doute plus de louange ou de blâme, & un plus haut degré de récompense ou de peine que les causes subalternes. J’ai dit, toutes choses étant d’ailleurs égales ; car il peut arriver par la diversité des circonstances, qui augmentent ou diminuent le mérite ou le démérite d’une action, que la cause subalterne agisse avec un plus grand degré de malice que la cause principale, & qu’ainsi l’imputation soit aggravée à son égard. Supposé par exemple, qu’un homme de sang froid assassinât quelqu’un à l’instigation d’un autre qui se trouvoit animé contre son ennemi ; quoique l’instigateur soit le premier auteur du meurtre, on trouvera son action faite dans un transport de colere, moins indigne que celle du meurtrier, qui l’a servi dans sa passion, étant lui-même tranquille & de sens rassis.

Imputation, (Théologie.) est un terme dogmatique fort usité chez les Théologiens, quelquefois dans un bon & quelquefois dans un mauvais sens. Lorsqu’il se prend en mauvaise part, il signifie l’attribution d’un péché qu’un autre a commis.

L’imputation du péché d’Adam a été faite à sa postérité, parce que par sa chûte tous ses descendans sont devenus criminels devant Dieu, comme s’ils étoient tombés eux mêmes, & qu’ils portent la peine de ce premier crime. Voyez Péché originel.

L’imputation, lorsqu’on la prend en bonne part, est l’application d’une justice étrangere. Voyez Justification.

L’imputation des mérites de Jesus-Christ ne signifie autre chose chez les réformés, qu’une justice extrinseque, qui ne nous rend pas véritablement justes, mais qui nous fait seulement paroître tels, qui cache nos péchés, mais qui ne les efface pas.

Luther, qui le premier a voulu expliquer la justification par cette imputation de la justice de Jesus-Christ, prétendoit que ce qui nous justifie & ce qui nous rend agréables aux yeux de Dieu, ne fut rien en nous, mais que nous avons été justifiés, parce que Dieu nous imputoit la justice de Jesus-Christ comme si elle eût été la nôtre propre, parce qu’en effet nous pouvions nous l’approprier par la foi. A quoi il ajoutoit qu’on étoit justifié dès qu’on croyoit l’être avec certitude. Bossuet, hist. des variat. tom. I. liv. I. pag. 10.

C’est pour cela que les Catholiques ne se servent point du terme d’imputation, & disent que la grace justifiante qui nous applique les mérites de Jesus-Christ, couvre non-seulement nos péchés, mais même les efface ; que cette grace est intrinseque & inhérente, qu’elle renouvelle entierement l’intérieur de l’homme, & qu’elle le rend pur, juste & sans tache devant Dieu, & que cette justice inhérente lui est donnée à cause de la justice de Jesus-Christ, c’est à-dire par les mérites de sa mort & de sa passion. En un mot, disent-ils, quoique ce soit l’obéissance de Jesus-Christ qui nous a mérité la grace justifiante, ce n’est pas cependant cette obéissance qui nous rend formellement justes. Et de la même maniere, ce n’est pas la desobéissance d’Adam qui nous rend formellement pécheurs, quoique ce soit cette desobéissance qui nous a mérité & attiré le péché & les peines du péché.

Les Protestans disent que le péché du premier homme est imputé à ses descendans, parce qu’ils sont regardés & punis comme coupables à cause du péché d’Adam. Les Catholiques prétendent que ce n’est pas en dire assez, & que non-seulement nous sommes regardés & punis comme coupables, mais que nous le sommes en effet par le péché originel.

Les Protestans disent aussi que la justice de Jesus-Christ nous est imputée, & que notre justification ne

se fait que par l’imputation de la justice de Jesus-Christ, parce que ses souffrances nous tiennent lieu de justification, & que Dieu accepte sa mort comme si nous l’avions soufferte. Mais les Catholiques enseignent que la justice de Jesus-Christ est non seulement imputée, mais actuellement communiquée aux fideles par l’opération du Saint Esprit ; ensorte que non-seulement ils sont réputés, mais rendus justes par sa grace.

Imputation, (Jurisprudence.) signifie l’acquittement qui se fait d’une somme dûe par le payement d’une autre somme.

Celui qui est débiteur de plusieurs sommes principales envers la même personne & qui lui fait quelque payement, peut l’imputer sur telle somme que bon lui semble, pourvû que ce soit à l’instant du payement.

Si le débiteur ne fait pas sur le champ l’imputation, le créancier peut la faire aussi sur le champ, pourvû que ce soit in duriorem causam, c’est-à-dire sur la dette la plus onéreuse au débiteur.

Quand le débiteur ni le créancier n’ont point fait l’imputation, elle se fait de droit, aussi in duriorem.

Lorsqu’il est dû un principal portant intérêt, l’imputation des payemens se fait suivant la disposition du droit priùs in usuras ; cela se pratique ainsi dans tous les parlemens de droit écrit.

Le parlement de Paris distingue si les intérêts sont dûs ex naturâ rei, ou ex officio judicis : au premier cas les payemens s’imputent d’abord sur les intérêts ; au second elle se fait d’abord sur le principal, ensuite sur les intérêts. Voyez le recueil de questions de M. Bretonnier, au mot Intérêts. (A)

IN

INABORDABLE, adj. (Gramm.) qu’on ne peut aborder. Voyez Abord, Accès, Accueil, Aborder.

INACCESSIBLE, adj. (Gramm.) dont on ne peut approcher. Il se dit au simple & au figuré. Les torrens qui tombent de cette montagne en rendent le sommet inaccessible. Les grands sont inaccessibles. Il y a peu de cœurs inaccessibles à la flaterie.

Inaccessible, (Géom.) une hauteur ou une distance inaccessible est celle qu’on ne peut mesurer immédiatement, à cause de quelque obstacle, telle que l’eau, ou autre chose semblable. Voyez Hauteur, Distance, &c.

Inaction, s. f. (Gramm. & Théolog.) cessation d’agir. On dit il préfere le repos à tout, & les plus grands intérêts ne le tireront pas de l’inaction. Ainsi il est synonyme tantôt à indolence, tantôt à paresse ou à indifférence ; trois qualités ennemies de l’action & du mouvement.

Les Mystiques appellent inaction une privation de mouvement, un anéantissement de toutes les facultés, par lequel on ferme la porte à tous les objets extérieurs, & l’on se procure une espece d’extase durant laquelle Dieu parle immédiatement au cœur. Cet état d’inaction est le plus propre selon eux, à recevoir le Saint-Esprit. C’est dans ce repos & dans cet assoupissement que Dieu communique à l’ame des graces sublimes & ineffables.

Quelques-uns ne la font pas consister dans cette espece d’indolence stupide, ou cette suspension générale de tous sentimens. Ils disent que par cette cessation de desirs, ils entendent seulement que l’ame ne se détermine point à certains actes positifs, & qu’elle ne s’abandonne point à des méditations stériles, ou aux vaines spéculations de la raison ; mais qu’elle demande en général tout ce qui peut être agréable à Dieu, sans lui rien prescrire.

Cette derniere doctrine est celle des anciens Mys-