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ans, & prit le nom de Léon X. La religion n’eut rien d’austere sous son pontificat ; & ce qui l’offensoit le plus, n’étoit pas apperçu dans une cour occupée d’intrigues & de plaisirs.

Le prédécesseur de Léon X. le Pape Jules II. sous qui la Peinture & l’Architecture commencerent à prendre de si nobles accroissemens, avoit desiré que Rome eût un temple qui surpassât sainte Sophie de Constantinople, & qui fût le plus beau qu’on eût encore vû sur la terre. Il eut le courage d’entreprendre ce qu’il ne pouvoit jamais voir finir.

Léon X suivit ardemment ce grand projet. Il falloit beaucoup d’argent, & ses magnificences avoient épuisé son trésor. Il n’est point de chrétien qui n’eût dû contribuer à élever cette merveille de la métropole de l’Europe ; mais l’argent destiné aux ouvrages publics, ne s’arrache jamais que par force ou par adresse. Léon X. eut recours, s’il est permis de se servir de cette expression, à une des clés de S. Pierre, avec laquelle on avoit ouvert quelquefois les coffres des Chrétiens, pour remplir ceux du pape.

Il prétexta une guerre contre les Turcs, & fit vendre dans tous les états de la Chrétienté des indulgences plénieres, contenant la délivrance des peines du purgatoire, soit pour soi-même, soit pour ses parens & amis. Il y eut par tout des bureaux d’indulgences ; on les affermoit comme les droits de la doüane. Plusieurs de ces comptoirs se tenoient dans les cabarets de Rome, & l’on y jouoit publiquement aux dez, dit Guichardin, le pouvoir de tirer les ames du purgatoire. Le prédicateur, le fermier, le distributeur, y firent de bons profits ; le pape sur-tout y gagna prodigieusement. On en peut juger si l’on daigne seulement se rappeller, qu’un de ses légats qu’il envoya l’an 1518 dans les royaumes de Danemark, de Suede, & de Norvege, les plus pauvres de l’Europe, y vendit des indulgences pour près de deux millions de florins. Leon X. toujours magnifique, dissipoit en profusions toutes ces richesses, à mesure qu’elles lui arrivoient.

Mais le malheur voulut qu’on donna aux Dominicains la ferme des indulgences en Allemagne ; les Augustins qui en avoient été long tems possesseurs, en furent jaloux, & ce petit intérêt de moines dans un coin de la Saxe, dessilla les yeux des peuples sur le trafic scandaleux des indulgences, & produisit trois cens ans de discordes, de fureurs, & d’infortunes chez trente nations. (D. J.)

Indulgence, s. f. (Morale) c’est une disposition à supporter les défauts des hommes, & à pardonner leurs fautes ; c’est le caractere de la vertu éclairée. Dans la jeunesse, dans les premiers momens de l’enthousiasme, pour l’ordre & le beau moral, on jette un regard dédaigneux sur les hommes qui semblent fermer les yeux à la vérité, & s’écartent quelquefois des routes de l’honnête ; mais les connoissances augmentent avec l’âge, l’esprit plus étendu voit un ordre plus général ; il voit dans la nature des êtres, leur excellence, & la nécessité de leurs fautes. Alors on aspire à réformer ses semblables comme soi-même, avec la douce chaleur d’un intérêt tendre qui corrige ou console, soutient & pardonne.

L’envie plus contrariée par le mérite, qu’offensée des défauts, voit le mal à côté du bien, & le censure dans l’homme qu’on estime.

L’orgueil pour avoir le droit de condamner tous les hommes, les juge d’après les idées d’une perfection à laquelle aucun ne peut atteindre.

La vertu toujours juste, plaint le méchant qui se dévore lui-même, & jusques dans les sevérités on la trouve consolante.

Indulgence, (Art numismatique.) cette vertu si rare chez les hommes, est représentée dans une médaille de Gordien, par une personne assise entre

deux animaux indomptés. Est-ce pour marquer que la douceur, que l’indulgence peut adoucir les esprits les plus farouches ? Dans une autre médaille, l’indulgence d’Auguste est caractérisée par une femme assise, qui tend la main droite, & qui tient un sceptre de la gauche ; pur ouvrage de la flaterie. L’indulgence prétendue d’Octave n’étoit qu’une politique adroite, que la conjoncture des tems l’obligeoit d’employer, & le sceptre qu’il tenoit le rendoit odieux à sa patrie.

Les Parthes, les Persans vouloient des souverains,
Mais le seul consulat pouvoit plaire aux Romains.

(D. J.)

INDULT, s. m. (Jurisprud.) indultum, qui vient du verbe indulgere, signifie en général une grace accordée par le pape à certaines personnes.

Les indults sont actifs ou passifs.

On appelle indults actifs des graces accordées par le pape aux cardinaux, & à quelques autres collateurs ordinaires, pour pouvoir conférer les bénéfices dépendans de leur collation, librement & sans pouvoir être prévenus durant les six mois accordés par le concile de Latran aux collateurs ordinaires. Ce qui a lieu à l’égard des cardinaux, soit qu’ils conferent seuls, ou avec un chapitre. Ce privilege fut accordé aux cardinaux par Paul IV. par une bulle de l’année 1555, & après lui ses successeurs l’ont pareillement confirmé. Il a été aussi confirmé par des lettres-patentes, enregistrées au grand-conseil.

Du tems du même Paul IV. vers l’an 1560, sur les grandes plaintes de tout le college des cardinaux, il leur fut encore accordé per contractum indultum & compactum, juramento solemni corroboratum, que le pape ne derogeroit point à la regle des 20 jours à leur préjudice, ce que Dumolin appelle le compact. Ces sortes de graces ne sont qu’une réduction au droit commun, & conséquemment elles sont favorables.

Les indults passifs sont aussi des graces accordées par les papes à certaines personnes, pour pouvoir être pourvûes de certains bénéfices si elles sont capables de les posséder, ou de présenter des clercs à leur place, pour être ensuite nommés par le roi à un collateur de France ; ces sortes d’indults sont proprement des graces expectatives : l’indult de MM. du Parlement est de cette qualité.

On subdivise l’indult actif en indult ordinaire & extraordinaire.

L’indult actif ordinaire est donné aux cardinaux & autres collateurs ordinaires, lesquels en vertu de ces indults ont droit de conférer, nommer ou présenter dans tous les mois, même dans les six mois réservés au pape dans la Bretagne, sans pouvoir être prévenus, ni être assujettis aux réserves apostoliques, excepté celles qui sont in corpore juris, telles que les vacances in curiâ romanâ.

Il est rare au surplus que le pape affranchisse les collateurs ordinaires non-cardinaux de la prévention à son égard, mais seulement à l’égard des légats & vice-légats.

Les indults actifs extraordinaires sont des bulles accordées par les papes aux cardinaux & autres ecclésiastiques, même aux princes séculiers, comme aux empereurs, rois de France, ducs de Savoie, à l’effet de les confirmer dans le droit de nommer aux bénéfices dans les mois apostoliques & autres.

L’indult du Parlement de Paris est un indult actif à l’égard du roi, & passif à l’égard des collateurs ; c’est une grace purement expectative accordée au Parlement par les papes. Les historiens disent que ce fut le pape Eugene IV. qui l’accorda en 1431, à la priere de Charles VII. Cependant on soutient que la bulle d’Eugene IV. ne se trouve point, & qu’elle n’a jamais paru ; qu’il n’en a point donné de perpétuelle, ou au moins qu’elle n’a point eu d’exécution. Quoi-