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2°. Lorsque l’obstruction est trop forte, que la résolution ne peut avoir lieu, on observe dans la partie enflammée un battement très-vif & très sensible, une douleur aiguë & beaucoup de dureté ; bien-tôt après la tumeur s’amollit, la douleur cesse, & il n’y a plus aucun battement ; une ouverture naturelle ou pratiquée par l’art, donne issue à une liqueur blanchâtre, épaisse, égale & sans caractere d’âcreté, lorsque le pus mérite d’être appellé légitime & sincere. On croit communément que cette liqueur résulte du mélange des débris des vaisseaux déchirés & rompus avec le sang, & qu’elle est l’effet de l’action mechanique des parties environnantes. C’est un sentiment que M. Fizes a soutenu & présenté sous le jour le plus favorable dans un très savant & utile traité sur la suppuration ; mais qu’il me soit permis, malgré une autorité si pondérante, de faire observer, 1°. que le mélange des petits filamens vasculeux est assez gratuitement supposé & très-peu nécessaire pour la formation du pus. L’on voit très souvent des suppurations abondantes, sans qu’on puisse même soupçonner que la destruction des vaisseaux y ait la moindre part. J’ai vû dans la poitrine d’un homme mort à la suite d’une pleurésie, plus de douze livres de pus qui remplissoit toute la capacité droite de la poitrine, & qui étoit placé entre la plevre & les muscles intercostaux ; on ne voyoit dans ces parties que quelques légers déchiremens. Il peut bien se faire que dans ces grandes suppurations, qui dessechent le corps, le tissu cellulaire réduit à son premier état muqueux, contribue en quelque chose à la formation du pus ; du-moins alors il est détruit. 2°. Je pense avec Stahl que le mouvement oscillatoire des vaisseaux environnans ne suffit pas pour la suppuration, & qu’il ne sert qu’à modérer le mouvement intestin du sang ; il est très-certain que la sanguification, la nature du sang, & bien d’autres phénomenes de l’économie animale, le prouvent ; il est certain, dis-je, que le sang est continuellement agité par un mouvement intestin de putréfaction, qui dans l’animal vivant est retardé & prévenu par les excrétions, par l’abord du chyle, par le mouvement progressif, & par l’action des vaisseaux ; dès que le sang est hors du corps, ces causes n’ayant plus lieu, ce mouvement augmente, & le sang se pourrit ; lorsqu’il est arrêté dans quelque partie, la même chose arrive ; si dans les parties enflammées, le mouvement oscillatoire ne persistoit pas, la putréfaction auroit son effet total ; mais étant retenu en partie, & contrebalancé par le mouvement des vaisseaux, son action se réduit à dissoudre & détruire le tissu mucilagineux du sang, ou à le réduire en pus.

3°. Il est facile par ce que nous venons de dire, d’appercevoir comment & quand la gangrene terminera l’inflammation ; savoir, lorsque l’obstruction sera très-considérable, l’engorgement fort grand, alors les arteres distendues au-delà de leur ton cesseront de battre ; le mouvement progressif du sang & l’action des vaisseaux totalement suspendue, la vie cessera dans la partie ; elle ne consiste, de même que celle de tout le corps, que dans la continuité de ces mouvemens. La fermentation putride déjà fort développée dans le sang altéré qui fait la base de cette inflammation, n’ayant plus de frein qui la modere, ne tardera pas à avoir son effet, la putréfaction totale aura lieu ; la partie qui est alors gangrenée devient plombée, brune, livide, noirâtre, perd tout sentiment, & exhale une odeur putride, cadavéreuse ; c’est alors le sphacele, dernier degré de mortification.

La partie gangrenée est pour l’ordinaire couverte de petites ampoules, cloches, φλεχθέναι, qui sont formées par l’épiderme qui se souleve, & qui renferme une sérosité âcre séparée du sang & de l’air,

produit ou plutôt dégagé par la fermentation putride. Il paroît encore par-là fort inutile d’aller encore recourir à un déchirement, à une rupture des vaisseaux obstrués. On voit enfin que l’impétuosité des humeurs vers la partie enflammée, leur acreté, la grandeur de l’obstruction, doivent concourir beaucoup à faire dégénérer l’inflammation en gangrene.

4°. L’induration est une terminaison familiere aux inflammations qui attaquent les glandes conglobées ou lymphatiques, parce qu’alors il y a double obstruction ; savoir celle du sang & celle de la lymphe, s’il n’y a que l’obstruction sanguine de résolue, & que la lymphe reste accumulée dans ses vaisseaux, elle y formera une tumeur dure, indolente, skirrheuse.

5°. Il peut arriver sur-tout dans les érésipeles qui sont formées par l’arrêt du sang, & de beaucoup de sérosité dans les vaisseaux cutanés, sanguins & lymphatiques, que le sang soit dissipé seul ; la tumeur sereuse persistera, elle sera molle, insensible, &c. c’est le cas des érésipeles qui se terminent en œdème.

6°. L’exulcération aura lieu principalement dans les inflammations qui ont leur siége dans des vaisseaux tendres & délicats, exposés au frottement, à l’impression du froid ; la moindre cause déchire ces petits vaisseaux, le froid les fait gercer avant que le pus soit formé. On peut en avoir des exemples assez fréquens dans cette espece d’inflammation érésipélateuse, connue sous le nom de mules, engelures.

Partie thérapeutique. Le diagnostic. Il ne suffit pas de connoître l’inflammation, il faut en distinguer les différentes especes, & il est aussi très-important d’être instruit des causes qui l’ont produite ; c’est sur ces trois points principalement que doit rouler le diagnostic. L’histoire de l’inflammation exposée au commencement de cet article, répand un grand jour sur cette partie ; nous savons en effet que la douleur & la chaleur fixées à une partie, sont des signes qu’il suffit d’appercevoir pour être assuré que la partie à laquelle on les rapporte est enflammée. Si cette partie est intérieure, la fievre plus ou moins aiguë survient, & l’on observe un dérangement dans les fonctions propres à cette partie ; si l’inflammation est externe, à la douleur & à la chaleur, on voit se joindre pour confirmer le diagnostic, la rougeur & la tumeur de la partie enflammée. 2°. Il n’y a pas plus de difficulté pour distinguer une inflammation phlegmoneuse d’avec celle qui est érésipélateuse ; qu’on se rappelle les signes que nous avons détaillés plus haut, propres à l’une ou à l’autre de ces inflammations, & qui les différentient aussi de celles qui ne participent ni de l’une ni de l’autre. 3°. Le diagnostic des causes exige plus de recherches & un examen plus grand, & il est plus nécessaire qu’on ne pense pour la curation. Il faut dans cette partie que le malade & les assistans aident le medecin ; c’est le cas de dire avec Hippocrate : δεῖ δὲ οὐ μόνον ἑαυτὸν (ἰητρὸν) παρέχειν τὰ δέοντα ποιέοντα, καὶ τὸν νοσέοντα, καὶ τοὺς παρεόντας, καὶ τὰ ἔξοθεν. « Il ne suffit pas que le medecin fasse exactement ce qui convient, il faut que le malade, les assistans & les choses extérieures y concourent. » Aphor. 1. lib. I.

Le point principal consiste à déterminer si les causes sont internes ou extérieures locales ; on peut, & par le témoignage & en interrogeant le malade, savoir si l’inflammation est dûe à l’action du feu, du froid, d’un caustique, à une luxation, fracture, compression, &c. Si aucune de ces causes ou autre extérieure quelconque n’a précédé, il y a tout lieu d’assurer que c’est une cause interne, un vice du sang qui a déterminé l’inflammation ; l’on peut en outre s’instruire quel est le vice du sang, des humeurs, qui mérite d’être accusé ; si c’est la raréfaction, l’épais-