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qui en est une suite & par conséquent la vie de la partie ; aussi n’est-il pas rare de voir des inflammations terminées en gangrene par l’usage hors de propos de ces médicamens. Ce que nous venons de dire peut aussi s’appliquer à quelques préparations du plomb, dont l’effet est merveilleux dans les mêmes cas où ces remedes conviennent ; mais si on les applique indifféremment à toutes les inflammations, à la maniere des charlatans ou des enthousiastes, ils produisent souvent de très-pernicieux effets. J’ai vû par exemple, une ophtalmie très-legere augmenter considérablement par l’application de la liqueur de Saturne ; le malade couroit risque de perdre l’œil si l’on n’avoit ôté bien-tôt cet excellent topique. Je ne saurois cependant croire que ce remede agisse en répercussif, comme on le pense communément, fondé sur ses succès heureux dans les inflammations érésipélateuses : je me suis convaincu du contraire dans la guérison d’une gale que j’opérai par ce seul remede ; je vis avec étonnement que par l’application de la liqueur de Saturne, les pustules, loin de rentrer, sortirent plus abondamment, & se multiplierent beaucoup ; après quelques jours d’éruption, elles sécherent.

Les résolutifs. Je n’entends pas ici par résolutifs cette foule de médicamens de différente espece, quoique compris sous le même nom & la même classe qui, soit en ramollissant, soit en stimulant, soit en calmant les douleurs, peuvent concourir à la résolution d’une inflammation. Je n’appelle de ce nom que ceux qui passent pour avoir la vertu de diviser le sang épaissi, engagé, & de le faire passer par les extrémités des petits vaisseaux, & qui dans le vrai ne font que resserrer, agacer, & stimuler les vaisseaux. Leur prétendue action sur le sang n’est rien moins que suffisamment prouvée ; il n’y a que le mercure, & peut-être le plomb, dans qui cette propriété soit réelle ou du moins constatée d’une maniere satisfaisante, ainsi c’est en agissant simplement sur les vaisseaux que les remedes dont il est ici question concourent à la résolution ; cette terminaison étant principalement operée par les oscillations des vaisseaux & le mouvement intestin du sang ; on voit par-là que les résolutifs seront très appropriés dans les cas où les symptomes de l’inflammation ne sont pas violens, où il faudra augmenter le ton des vaisseaux relâchés, ranimer le mouvement des humeurs engourdies. Dans les érésipeles œdémateux, par exemple, leur principal usage est sur la fin des inflammations, pour aider une résolution qui s’opere lentement ; & il faut pour les employer en sureté, que la résolution commence à se faire, ou plutôt qu’elle soit à-demi faite. La précipitation à cet égard est toûjours nuisible ; si l’inflammation étoit trop considérable, la tumeur dure, l’obstruction trop forte, leur application ne pourroit qu’être très-pernicieuse. Il en est de même à plus forte raison des répercussifs qui ne different des résolutifs que par le degré d’adstriction plus fort ; ils fortifient, resserrent, & crispent davantage les vaisseaux. Appliqués à contre-tems, ils font plus sûrement dégénérer l’inflammation en gangrene ; ils doivent être bannis de l’usage dans toutes les inflammations qui dépendent de quelque cause interne ; ils risqueroient d’occasionner quelque transport ou métastase dangereuse ; mais dans les inflammations occasionnées par quelque cause extérieure, ils produisent de très-bons effets, si on les applique de bonne heure ; le retardement pourroit avoir des inconvéniens fâcheux ; dans les brûlures, l’esprit-de vin, un des forts répercussifs appliqué dès le commencement, est regardé comme spécifique. Ils ont la propriété singuliere & très-remarquable de prévenir les inflammations qu’on a sujet de craindre à la suite d’une chute, d’une lu-

xation, d’une foulure, &c. On se trouve très-bien

de plonger tout de suite, après quelqu’un de ces accidens, la partie affectée dans de l’eau bien froide, ou de l’esprit-de-vin. En général ces remedes réussiront mieux dans les inflammations érésipélateuses, que dans les phlegmons ; mais leur succès dépend toûjours de la promptitude de l’application.

Suppuratifs. Il y a différens remedes connus sous le nom de suppuratifs, maturatifs ; parce qu’accidentellement & dans quelques cas particuliers, ils ont accéléré ou favorisé la suppuration ; mais à proprement parler, il n’y a point de vrai suppuratif ; la suppuration est une véritable coction, ouvrage de la nature, c’est-à-dire, du mouvement du sang & de l’action des vaisseaux. Ainsi tout remede, eu égard aux conditions où se trouveroient le sang & les vaisseaux, peut devenir suppuratif & cesser de l’être. On observe cependant que l’application de certains médicamens est assez constamment suivie de cet effet ; mais il paroît que c’est plutôt à la forme du remede qu’au remede lui-même, qu’il doit être attribué. C’est lorsque ces remedes sont disposés en forme d’onguens, cataplasmes, emplâtres, & par là rendus très-propres à intercepter la transpiration, accélérer en conséquence le mouvement intestin, & augmenter l’engorgement qu’ils peuvent faire tourner à la suppuration une inflammation qui sans cela peut-être se résoudroit. Ainsi ces remedes conviendront dans les inflammations critiques, pestilentielles, dans celles qui sont produites & entretenues par un virus ou quelqu’autre cause interne ; ils sont plus appropriés aux phlegmons, sur-tout dans le tems qu’ils s’élevent en pointe, & que les douleurs & les battemens y aboutissent, & y sont plus sensibles ; signes d’une suppuration prochaine.

Les anti-gangreneux. On a donné le nom d’anti-gangreneux, ou anti-septiques, à des médicamens qu’on a cru capables de prévenir la gangrene, de la guérir, ou d’en arrêter les progrès. Ces remedes ne sont que des résolutifs très-énergiques, dont l’effet se réduit à relever avec plus ou moins d’activité le ton, & augmenter le mouvement des vaisseaux. Presque toutes les inflammations qui dégénerent en gangrene tendent à cette terminaison à cause de l’excessive irritabilité, de la roideur & de la tension trop considérable des vaisseaux qui les empêchent de réagir & de modérer le mouvement intestin du sang : ainsi l’idée d’employer les stimulans anti-gangreneux, dans la vûe de prévenir la gangrene, est une idée purement théorique, & qui n’est d’accord avec la pratique que dans quelques cas particuliers très-rares d’inflammation, où le mouvement du sang rallenti joint à un trop grand relâchement, à une espece d’insensibilité, fait craindre la gangrene. Si elle est déja commencée, que la partie soit un peu ramollie, la sensibilité émoussée, & les vaisseaux flétris & relâchés ; on peut en sûreté les ranimer par les spiritueux roborans anti-septiques ; le plus sûr, ou pour mieux dire, le seul secours propre à prévenir la gangrene, qui est aussi très-propre à en arrêter les progrès, consiste dans les scarifications.

INFLAMMATOIRES, Maladies. (Medecine.) L’histoire. Les maladies inflammatoires sont caractérisées principalement par une fievre aiguë, proprement appellée fievre inflammatoire, & par les signes plus ou moins marqués de l’inflammation, rapportés à une partie qui décide pour l’ordinaire l’espece & le nom de la maladie inflammatoire. Il n’est pas nécessaire, comme quelques-uns ont pensé, que l’inflammation attaque une partie interne considérable ; elle a souvent son siége à l’extérieur ; mais une condition qui me paroît absolument requise, c’est que la cause soit interne, ou qu’elle ait agi sur-tout intérieurement.