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différens animaux, tant quadrupedes qu’oiseaux. Les poux de bois, & le poux de terre, sont des especes de ce genre.

2o. La puce, pulex ; elle a six piés conformés de maniere qu’elle saute avec beaucoup de facilité : elle a deux yeux ; le bec est recourbé & le ventre est applati sur les côtés & arrondi.

3o. Les poux sauteurs, poduræ ; ils ont six piés conformés de façon que ces insectes peuvent courir : ils ont deux yeux composés chacun de huit petits ; la queue est fourchue, recourbée, & sert à ces insectes pour sauter.

4o. Les perroquets d’eau, monoculi ; les premiers piés sont divisés en plusieurs filets : ces insectes s’en aident pour nager & pour sauter ; ils n’ont qu’un œil, mais il est composé de trois petits ; le corps est couvert d’une taie.

5o. Les cirons, acari ; ils ont deux yeux & huit piés ; les jambes sont composées de huit phalanges.

Les cirons de l’homme, des animaux quadrupedes, des oiseaux & des insectes ; l’un de ces cirons est nommé le poux des insectes, les cirons des plantes : telle est l’araignée faucheur ; les cirons du bois, au nombre desquelles est le scorpion araignée ; les cirons de la farine ; les cirons qui se trouvent sur la terre & sur les pierres ; les cirons qui sont dans l’eau, &c. sont des especes de ce genre.

6o. Les scorpions, scorpiones ; ces insectes ont huit piés, deux pinces sur le front, & huit yeux, dont deux sont placés l’un contre l’autre sur la partie postérieure de la poitrine, & les six autres sur les côtés ; la queue est terminée par un aiguillon courbe.

7o. Les crustacées, cancerea ; ils ont deux yeux & dix piés, dont les premiers sont faits en forme de pince ; la queue est composée de plusieurs lames.

Le crabe, le poupar, l’araignée de mer, le homard, l’écrevisse, la squille, le soldat, ou bernard-l’hermite, la puce aquatique, &c. sont des especes de ce genre.

8o. Cloportes, onisei ; ils ont quatorze ou seize piés, & le corps est de figure ovale. Linnæi, Syst. naturæ.

Insecte amphibie, (Hist. natur.) insecte qui peut vivre également ou alternativement dans l’air & dans l’eau ; mais M. Lyonnet observe très bien, que les insectes qu’on considere comme amphibies, ne le sont pas tous de la même maniere.

Il y en a qui après avoir été aquatiques sous une forme, changent tellement de nature en la quittant, que s’il leur arrive ensuite de tomber dans l’eau, ils s’y noyent.

D’autres naissent, vivent, & subissent toutes leurs transformations dans l’eau, & vivent ensuite dans les deux élémens.

Quelques-uns après être nés dans l’air, se précipitent dans l’eau, & y restent jusqu’au tems qu’ils prennent des aîles, pour pouvoir redevenir habitans de l’air.

Plusieurs especes naissent, & croissent dans l’eau, se changent en nymphes dans la terre, & passent leur état de perfection dans l’eau & dans l’air, mais plus constamment dans ce premier élément.

Enfin, il y en a qui passent leur état rampant sous l’eau, sans y être aquatiques que par la tête, le reste de leur corps ne s’y mouille jamais ; il est toûjours environné d’un volume d’air assez considérable, pour leur laisser la respiration libre ; & ces sortes d’insectes après leur dernier changement, ne vivent plus que dans l’air. Quelle diversité la nature offre à nos yeux dans la maniere d’exister des plus petits animaux ! (D. J.)

INSENSÉ, adj. (Gramm.) On donne cette épithete injurieuse à deux sortes d’hommes, & à ceux qui ont réellement perdu le sens & la raison, & à

ceux qui se conduisent comme s’ils en étoient privés. Un insensé n’est pas toujours un sot ; il est capable de donner à un autre un bon conseil, mais il est incapable de le suivre : rien n’est si commun qu’un homme d’esprit qui se conduit comme un fou.

INSENSIBILITÉ, (Phil. mor.) L’indifférence est à l’ame ce que la tranquillité est au corps, & la léthargie est au corps ce que l’insensibilité est à l’ame. Ces dernieres modifications sont l’une & l’autre l’excès des deux premieres, & par conséquent également vicieuses.

L’indifférence chasse du cœur les mouvemens impétueux, les desirs fantasques, les inclinations aveugles : l’insensibilité en ferme l’entrée à la tendre amitié, à la noble reconnoissance, à tous les sentimens les plus justes & les plus légitimes. Celle là détruisant les passions de l’homme, ou plûtôt naissant de leur non-existence, fait que la raison sans rivales exerce plus librement son empire ; celle-ci détruisant l’homme lui-même, en fait un être sauvage & isolé qui a rompu la plûpart des liens qui l’attachoient au reste de l’univers. Par la premiere enfin l’ame tranquille & calme ressemble à un lac dont les eaux sans pente, sans courant, à l’abri de l’action des vents, & n’ayant d’elles-mêmes aucun mouvement particulier, ne prennent que celui que la rame du batelier leur imprime ; & rendue léthargique par la seconde, elle est semblable à ces mers glaciales qu’un froid excessif engourdit jusques dans le fond de leurs abîmes, & dont il a tellement durci la surface, que les impressions de tous les objets qui la frappent y meurent sans pouvoir passer plus avant, & même sans y avoir causé le moindre ébranlement ni l’altération la plus légere.

L’indifférence fait des sages, & l’insensibilité fait des monstres ; elle ne peut point occuper tout entier le cœur de l’homme, puisqu’il est essentiel a un être animé d’avoir du sentiment ; mais elle peut en saisir quelques endroits ; & ce sont ordinairement ceux qui regardent la société : car pour ce qui nous touche personnellement, nous conservons toujours notre sensibilité ; & même elle s’augmente de tout ce que perd celle que nous devrions avoir pour les autres. C’est une vérité dont les grands se chargent souvent de nous instruire. Quelque vent contraire s’éleve-t-il dans la région des tempêtes où les place leur élévation, alors nous voyons communément couler avec abondance les larmes de ces demi-dieux qui semblent avoir des yeux d’airain quand ils regardent les malheurs de ceux que la fortune fit leurs inférieurs, la nature leurs égaux, & la vertu peut-être leurs supérieurs.

L’on croit assez généralement que Zénon & les Stoïciens ses disciples faisoient profession de l’insensibilité ; & j’avoue que c’est ce qu’on doit penser, en supposant qu’ils raisonnoient conséquemment : mais ce seroit leur faire trop d’honneur, sur-tout en ce point-là. Ils disoient que la douleur n’est point un mal ; ce qui semble annoncer qu’ils avoient trouvé quelques moyens pour y être insensibles, ou du moins qu’il s’en vantoient ; mais point du tout : jouant sur l’équivoque des termes, comme le leur reproche Ciceron dans sa deuxieme tusculane, & recourant à ces vaines subtilités qui ne sont pas encore bannies aujourd’hui des écoles, voici comment ils prouvoient leur principe : rien n’est un mal que ce qui deshonore, que ce qui est un crime ; or la douleur n’est pas un crime ; ergo la douleur n’est pas un mal. Cependant, ajoutoient-ils, elle est à rejetter, parce que c’est une chose triste, dure, facheuse, contre nature, difficile à supporter. Amas de paroles qui signifie précisément la même chose que ce que nous entendons par mal, lorsqu’il est appliqué à douleur.