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terdit de ses fonctions, soit pour un tems ou pour toujours, selon que le délit est plus ou moins grave.

Le decret de prise de corps & celui d’ajournement personnel, emportent de plein droit interdiction de toute fonction publique.

L’interdiction de lieu chez les Romains revenoit à ce que nous appellons exil, bannissement.

Celle que l’on appelloit aquâ & igne, étoit une peine que l’on prononçoit contre ceux qui avoient commis quelque violence publique. l. qui dolo, ff. ad leg. jul. de vi publ. Le bannissement a succédé à cette peine. (A)

INTERDUQUE, adj. (Myth.) surnom que les Romains donnoient à Junon. Junon interduque, ou Junon conductrice, c’est la même chose. C’étoit la déesse du mariage & des noces ; & en cette qualité elle étoit censée conduire l’épouse nouvelle à son époux.

INTER-EPINEUX ou PETITS EPINEUX, en Anatomie, nom des muscles qui sont situés entre les apophyses épineuses des vertebres. Voyez Vertebre.

Les inter-épineux du col sont placés entre la seconde, la troisieme au nombre des cinq paires qui prennent leur attache entre chaque vertebre du col, supérieurement à la partie inférieure d’une apophyse épineuse, inférieurement à la partie supérieure de la suivante.

On observe quelquefois deux muscles inter-épineux du col, qui viennent de la partie inférieure de l’apophyse épineuse de la seconde vertebre, & s’inserent à la partie supérieure de l’apophyse épineuse de la sixieme.

Les inter-épineux du dos sont des muscles situés entre les apophyses épineuses de chaque vertebre, & qui s’attachent de même que ceux du col.

INTERESSANT, adj. (Gram.) il se dit des choses & des personnes ; au simple & au figuré. C’est un objet intéressant. Il a une physionomie intéressante. Il y a des situations qui rendent l’homme intéressant. Ce poëme est intéressant. D’où l’on voit que l’acception de ce terme varie beaucoup ; qu’elle est tantôt relative à la valeur, tantôt aux idées de bienfaisance, à l’ordre, aux événemens, aux sentimens réveillés, aux passions excitées. Voyez Intérêt.

INTERESSÉ, pris substantivement, est celui qui a intérêt dans une affaire, dans une entreprise, dans une société. Voyez Associé.

L’un des intéressés ne sauroit stipuler ni transiger sans le consentement de tous les autres intéressés.

On appelle intéressés dans les fermes du roi ceux qui n’ont intérêt que dans les sous-fermes, ce qui les distingue des intéressés aux fermes générales qu’on appelle fermiers généraux.

Un intéressé dans une compagnie de commerce est celui qui en fait les fonds avec d’autres associés, lorsque ces fonds ne se font pas par actions : autrement on le nomme actionnaire. Voyez Action & Actionnaire.

Intéressé, pris adjectivement, signifie un homme avare qui ne relâche rien de ses intérêts. Dictionnaire de commerce.

INTERÊT, (Morale.) ce mot a bien des acceptions dans notre langue : pris dans un sens absolu, & sans lui donner aucun rapport immédiat avec un individu, un corps, un peuple, il signifie ce vice qui nous fait chercher nos avantages au mépris de la justice & de la vertu, & c’est une vile ambition ; c’est l’avarice, la passion de l’argent, comme dans ces vers de la Pucelle :

Et l’intérêt, ce vil roi de la terre,

Triste & pensif auprès d’un coffre fort,
Vend le plus foible au crime d’un plus fort.

Quand on dit l’intérêt d’un individu, d’un corps, d’une nation : mon intérêt, l’intérêt de l’état, son intérêt, leur intérêt ; alors ce mot signifie ce qui importe ou ce qui convient à l’état, à la personne, à moi, &c. En faisant abstraction de ce qui convient aux autres, sur-tout quand on y ajoute l’adjectif personnel.

Dans ce sens le mot d’intérêt est souvent employé quoiqu’improprement pour celui d’amour-propre ; de grands moralistes sont tombés dans ce défaut, qui n’est pas une petite source d’erreurs, de disputes & d’injures.

L’amour-propre ou le desir continu du bien-être, l’attachement à notre être, est un effet nécessaire de notre constitution, de notre instinct, de nos sensations, de nos réflexions, un principe qui tendant à notre conservation, & répondant aux vues de la nature, seroit plutôt vertueux que vicieux dans l’état de nature.

Mais l’homme né en société tire de cette société des avantages qu’il doit payer par des services : l’homme a des devoirs à remplir, des lois à suivre, l’amour-propre des autres à ménager.

Son amour propre est alors juste ou injuste, vertueux ou vicieux ; & selon les différentes qualités il prend différentes dénominations : on a vu celle d’intérêt, d’intérêt personnel, & dans quel sens.

Lorsque l’amour-propre est trop l’estime de nous-mêmes & le mépris des autres, il s’appelle orgueil : lorsqu’il veut se répandre au-dehors, & sans mérite occuper les autres de lui, on l’appelle vanité.

Dans ces différens cas l’amour propre est desordonné, c’est-à-dire hors de l’ordre.

Mais cet amour-propre peut inspirer des passions, chercher des plaisirs utiles à l’ordre, à la société ; alors il est bien éloigné d’être un principe vicieux.

L’amour d’un pere pour ses enfans est une vertu, quoiqu’il s’aime en eux, quoique le souvenir de ce qu’il a été, & la prévoyance de ce qu’il sera, soient les principaux motifs des secours qu’il leur donne.

Les services rendus à la patrie, seront toûjours des actions vertueuses, quoiqu’elles soient inspirées par le desir de conserver notre bien-être, ou par l’amour de la gloire.

L’amitié sera toûjours une vertu, quoiqu’elle ne soit fondée que sur le besoin qu’une ame a d’une autre ame.

La passion de l’ordre, de la justice, sera la premiere vertu, le véritable héroïsme, quoiqu’elle ait sa source dans l’amour de nous-mêmes.

Voilà des vérités qui ne devroient être que triviales & jamais contestées ; mais une classe d’hommes du dernier siecle a voulu faire de l’amour-propre un principe toûjours vicieux ; c’est en partant d’après cette idée que Nicole a fait vingt volumes de morale, qui ne sont qu’un assemblage de sophismes méthodiquement arrangés & lourdement écrits.

Pascal même, le grand Pascal, a voulu regarder en nous comme une imperfection ce sentiment de l’amour de nous-mêmes que Dieu nous a donné, & qui est le mobile éternel de notre être. M. de la Rochefoucault qui s’exprimoit avec précision & avec grace, a écrit presque dans le même esprit que Pascal & Nicole ; il ne reconnoît plus de vertus en nous, parce que l’amour propre est le principe de nos actions. Quand on n’a aucun intérêt de faire les hommes vicieux ; quand on n’aime que les ouvrages qui renferment des idées précises, on ne peut lire son livre sans être blessé de l’abus presque continuel qu’il fait des mots amour-propre, orgueil, intérêt, &c. Ce livre a eu beaucoup de succès, malgré