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se, n’étoient qu’à leur crépuscule. Le rétablissement de l’autorité, d’où dépend la tranquillité publique, les vit enfin dans tout leur éclat.

Les François acquirent alors un sixieme sens, ou plutôt ils perfectionnerent les leurs ; ils virent ce qui jusques-là n’avoit point encore fixé leurs yeux ; une sensibilité plus fine, sans être moins profonde, remplit leurs ames : leurs talens de plaire & d’être heureux, une douce aisance dans la vie, une aménité dans les mœurs, une attention secrete à varier leurs amusemens, & à distinguer les nuances diverses de tous les objets, leur firent adorer les graces. La beauté ne fut plus que leur égale ; ils sentirent même que les premieres les entraînoient avec plus de douceur, ils se livrerent à leurs chaînes : Bachaumont & Chapelle les firent asseoir à côté des muses les plus fieres, tandis que la bonne compagnie de ce tems faisoit de tout Paris le temple que ces divinités devoient préférer au reste de la terre.

C’est à de certaines ames privilégiées que la nature confie le soin de polir celles des autres. Tous les sentimens, tous les goûts de ces premieres se répandent insensiblement, & donnent bientôt le ton général. Telle étoit l’ame de cette Ninon si vantée ; telles étoient celles de plusieurs autres personnes qui vêcurent avec elle, & qui l’aiderent à dépouiller les passions, les plaisirs, les arts, le génie, les vertus mêmes de ce reste de gothique qui nuisoit encore à leurs charmes. L’intêrêt le plus léger, & sur-tout l’intérêt du plaisir viennent-ils se joindre au besoin d’imiter qu’apportent tous les hommes en naissant, tout leur devient facile & naturel, tout s’imprime facilement chez eux ; il ne leur faut que des modeles.

Peut-on être surpris que les françois qui vivoient sous Henri II. ayent été si différens de nous ? Les graces pouvoient-elles habiter une cour qui, pendant l’hiver, s’amusoit (comme dit Brantome) à faire des bastions & combats, à pelotter de neige, & à glisser sur l’étang de Fontainebleau ? Le joli se bornoit alors tout au plus à la figure.

Le germe de cette qualité distinctive étoit sans doute dans le sein de cette nation toujours portée naturellement vers le plaisir ; il s’étoit annoncé quelquefois dans une fête brillante, ou sous la plume de quelques-uns de ses poëtes, mais le feu d’un éclair n’est pas plus prompt à disparoître ; ce germe étoit enfoui sous les obstacles que lui opposoient sans cesse l’ignorance, la barbarie ou le souffle corrupteur des guerres intestines : l’influence du climat cédoit à cet égard aux circonstances.

Tout concouroit au contraire, sous Louis le Grand, à répandre sur ses sujets cette sérénité, cette fleur d’agrémens qui en firent la plus jolie nation de l’univers. Quelle rage aux Messinois (dit Madame de Sévigné) d’avoir tant d’aversion pour les François qui sont si aimables & si jolis !

Ils auroient payé trop cher cet avantage, s’il les eût conduits à lui sacrifier entierement leur goût essentiel pour le beau ; il triomphe encore parmi eux, peut-être n’y fait-il pas un effet si général que le joli, parce qu’il n’est pas toujours aisé de s’élever jusqu’à lui. Eh le moyen (dit-on) de ne pas rassembler toute sa sensibilité sur les objets qui l’avoisinent & qui la sollicitent !

C’est à l’ame que le beau s’adresse, c’est aux sens que parle le joli ; & s’il est vrai que le plus grand nombre se laisse un peu conduire par eux ; c’est delà qu’on verra des regards attachés avec yvresse sur les graces de Trianon, & froidement surpris des beautés courageuses du Louvre. C’est de-là que la musique altiere de Zoroastre entraînera moins de cœurs que la douce mélodie du ballet du Sylphe, ou les concerts charmans de l’acte d’Æglé dans les talens lyriques. C’est par-là qu’un chansonnier aima-

ble, un rimeur plaisant & facile trouveront dans

nos sociétés mille fois plus d’agrément, que les auteurs des chef-d’œuvres qu’on admire. C’est enfin par-là que le je-ne-sais-quoi dans les femmes effacera la beauté, & qu’on sera tenté de croire qu’elle n’est bonne qu’à aller exciter des jalousies & des scènes tragiques dans un sérail.

Un auteur, dont on vantoit le goût dans le dernier siecle, prétend qu’on doit entendre par jolie femme, de l’agrément, de l’esprit, de la raison, de la vertu, enfin du vrai mérite. Ces deux dernieres qualités ne sont-elles pas ici hors de place ? est-on joli par la raison & la vertu ?

M. l’Abbé Girard dit de son côté que juger d’un tel qu’il est joli homme, c’est juger de son humeur & de ses manieres. Cependant il se trouve à cet égard en contradiction absolue avec le P. Bouhours, qui dit qu’on n’entend au plus par joli homme qu’un petit homme propre & assez bien fait dans sa taille. C’est que ces deux écrivans se sont arrêtés à de petites nuances de mode, qui n’ont rien de réel qu’un usage momentané.

Quelqu’un a dit de l’agrément, que c’est comme un vent léger & à fleur de surface, qui donne aux facultés intérieures une certaine mobilité, de la souplesse & de la vivacité ; foible idée du joli en général : c’est le secret de la nature riante ; il ne se définit pas plus que le goût, à qui peut-être il doit la naissance & dans les arts & dans les manieres.

Les oracles de notre langue ont dit que c’étoit un diminutif du beau ; mais où est le rapport du terme primitif avec son dérivé, comme de table à tablette ? L’un & l’autre ne sont-ils pas au contraire physiquement distincts ? Leur espece, leurs lois & leurs effets ne sont-ils pas entierement différens ? On me présente une tempête sortie des mains d’un peintre médiocre, à quel degré de diminution ce sujet pourroit-il descendre au joli ? est-il de son essence de pouvoir l’être ? Qu’on se rappelle le sot qui trouvoit la mer jolie, ou le fat qui traitoit M. de Turenne de joli homme.

Le joli a son empire séparé de celui du beau ; l’un étonne, éblouit, persuade, entraîne ; l’autre séduit, amuse & se borne à plaire : ils n’ont qu’une regle commune, c’est celle du vrai. Si le joli s’en écarte, il se détruit & devient maniéré, petit ou grotesque ; nos arts, nos usages & nos modes surtout sont aujourd’hui pleins de sa fausse image. (M. B.)

IOLITE, (Hist. nat.) en latin iolithus ou lapis violaris. C’est le nom que quelques naturalistes ont donné à une pierre qui a l’odeur de la violette. Voyez Violette (pierre de).

JOMBARDE, s. f. (Lutherie.) nom vulgaire de la flûte de tambourin, ou flûte à trois trous, parce que cette flute effectivement n’a que trois trous ; celui par où on l’anime, celui de la lumiere, & celui du pavillon. On couvre celui par où on l’embouche, d’un cannepin de cuir fort délié. On peut concerter avec la jombarde, quand on en a plusieurs de différentes grandeurs proportionnées ; mais voyez Flute de tambourin. (D. J.)

JOMBO, s. m. (Hist. n.) c’est un fruit qui, suivant Knox, est particulier à l’île de Ceylan ; il a le goût d’une pomme, sa couleur est d’un blanc mêlé de rouge ; on le dit fort sain, fort agréable & plein de jus.

JOMPANDAM, (Géographie.) ville maritime & forte, située dans l’île de Macassar ou de Celebes en Asie ; elle appartient aux Hollandois.

ION, (Hist. nat. Lithologie.) Pline dit que c’étoit une pierre d’une couleur violette, claire & rarement foncée, qui se trouvoit dans les Indes.

JONAS Prophétie de, (Théologie.) nom d’un des livres canoniques de l’ancien Testament, ainsi appellé de son auteur Jonas, l’un des douze petits pro-