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solide & la délicate ; la colonne prise en-bas, y compris la base & le chapiteau, est de neuf diametres de hauteur ; son chapiteau est orné de volutes, sa corniche de denticules, & le fust des colonnes est cannelé. Il est bon de nous expliquer un peu plus au long.

Nous avons dit que dans cet ordre, les colonnes avec le chapiteau & la base, ont neuf diametres de la colonne prise en-bas ; nous devons ajouter que cela n’étoit pas ainsi, lorsque cet ordre fut inventé ; car alors les colonnes n’avoient que huit modules ou diametres de haut. Ensuite les anciens voulant rendre cet ordre plus agréable que le dorique, augmenterent la hauteur de colonnes, en y ajoutant une base, qui n’étoit point en usage dans l’ordre dorique.

L’entablement a une cinquieme partie de la hauteur de la colonne, dont la base a un demi-diametre, & le chapiteau un peu plus d’un tiers.

Le chapiteau est principalement composé de volutes, qui le rendent différent de tous les autres ordres.

Les colonnes ioniques, sont ordinairement cannelées de vingt-quatre cannelures ; il y en a qui ne sont creuses & concaves, que jusqu’à la troisieme partie au-bas de la colonne ; & cette troisieme partie a ses cannelures remplies de baguettes ou bâtons ronds, à la différence du surplus du haut, qui demeure cannelé en creux, & entierement vuide : celles qui sont ainsi, s’appellent rudentées.

Enfin, le piédestal a de haut deux diametres, & deux tiers ou environ.

On ne peut guere s’empêcher d’ajouter une remarque de Vitruve sur cet ordre. De peur, dit cet habile homme, qu’on ne soit trop passionné en faveur de l’ordre ionique, à cause de la préférence qu’il a eu dans un siecle où l’Architecture fleurissoit le plus, & chez une nation dont les productions ont été si longtems la regle du bon goût, qu’elles ont en quelque sorte acquis le droit d’influer sur le jugement qu’on peut porter sur cette matiere ; il est bon de faire la réfléxion suivante ; c’est qu’il n’y a point de doute, que les Ioniens n’eussent de la partialité pour l’ordre qu’ils prétendoient avoir inventé. Cependant ils auroient préféré le dorique en plusieurs occasions, si leur ordre propre n’eût été plus aisé à exécuter, & si l’architecte, pour donner plus de carriere à son imagination, ne se fût pas mieux accommodé de l’ordre ionique, que du dorique, où l’esprit est retenu par une attention continuelle, à la distribution convenable des métopes & des triglyphes. Hermogènes, continue Vitruve, avoit dessein de faire dorique le fameux temple de Bacchus à Téos ; & ce fut seulement par la derniere raison qu’on vient de donner, qu’il changea son plan, & fit son temple ionique.

Quoique cette observation du prince des Architectes de Rome soit très-judicieuse, il n’en est pas moins vrai que l’ordre ionique eut constamment dans la Grece la préférence sur tout autre ordre, pour la construction de leurs célebres édifices ; & ce seroit assez de citer à sa gloire le temple admirable de Diane à Ephese. (D. J.)

JONQUE, s. m. (Marine.) c’est le nom que les Chinois donnent à leurs vaisseaux, soit qu’ils soient équipés en guerre ou en marchandises. Ceux dont on se sert plus communément pour le commerce, sont fort légers, & à-peu-près de la grandeur d’un flibot ; la quille est de trois pieces ; celle du milieu est en ligne droite ; mais les deux autres qui sont plus courtes ont à l’arriere & à l’avant un relevement de cinq piés.

L’avant est plat, formé presque en triangle, dont

la pointe la plus aiguë est en bas, & a un peu de quete.

L’arriere est plat aussi & rentré un peu en dedans depuis le bord jusqu’au milieu. De cette maniere ce bâtiment n’a ni étrave ni étambord, il n’y a qu’une préceinte posée à la hauteur du premier pont, & qui est ronde par dehors, avec un relevement proportionné à tout le gabarit ; sous cette préceinte le vaisseau est arrondi par le bas, mais au-dessus jusqu’au haut pont, il a les côtés plats. Il a deux ponts qui sont également ouverts dans le milieu, selon la longueur du bâtiment, & ces ouvertures sont entourrées de bordages.

A l’arriere, proche du gouvernail, sont quelques marches sur le bas pont pour descendre au fond de cale ; à ce même endroit le vaisseau est ouvert au-dessus de l’arcasse, laquelle est aussi haute que le pont, de sorte que le vent peut entrer par l’arriere.

Le gouvernail est suspendu à cette partie du bâtiment & attaché de chaque côté avec des cordes qui passent au-travers par le bas, & qui sont amarées au haut par le haut pour aider à gouverner, parce que le gouvernail étant fort grand, la barre ne suffit pas pour le faire jouer dans des gros tems. On ajoute même alors de grosses rames à chaque côté de l’arriere pour gouverner avec plus de facilité.

Le grand mât est plus proche de l’avant que de l’arriere, & penche un peu vers l’arriere. Il y a sur le bas pont un ban ou traversin tout rond, qui par chaque bout est joint avec la préceinte & dans lequel le mât est enchassé & tenu par un cercle de fer ; mais par le bas il n’y a aucune piece qui l’arrête sur le plafond. Sa forme quarrée en cette endroit suffit.

A l’avant est un autre mât un peu plus petit, qui penche en avant. On peut ôter ces mâts & les coucher en arriere. Ils ont des tons fendus en échancrure, dont les deux côtés sont entretenus avec des chevilles & les bouts liés ensemble en haut, c’est-là que s’ente le bâton de pavillon ; de sorte que quand on couche le mât on en peut ôter le ton.

On monte le long du mât par des taquets qui y sont cloués, & on hisse les voiles avec des vindas.

L’ancre est de bois, sa figure ressemble à deux coudes courbés & attachés l’un à l’autre. Sous ses bras qui n’ont point de pattes, il y a une piece de bois en travers, entée de chaque côté dans la vergue.

Dans le milieu du bâtiment, sous le premier pont, il y a de chaque côté une porte quarrée pour entrer dans le vaisseau. On met sur le bas pont quatre pieces de canon, à stribord & à bas-bord, dont deux sont posées sur le tillac même, & deux sont un peu plus élevées ; on y voit aussi de faux sabords, les uns ronds, les autres quarrés, peints en dehors avec de la couleur noire. Ce sont les seuls endroits du vaisseau qui soient peints.

Il y a au haut du bordage à l’un & à l’autre bout des balustres qui peuvent s’ôter & se remettre, & au haut contre le bord est une espece d’échafaud où les matelots montent pour puiser de l’eau dans la mer.

A l’arriere contre le bord en dedans, est à basbord un long épars où l’on hisse un pavillon & même une petite voile au besoin.

Pour donner une idée de la forme entiere d’un jonque, son pont est plus étroit à l’avant qu’à l’arriere, & le bâtiment plus étroit par le haut que par le bas.

Pour conduire ce bâtiment le pilote est assis à l’arriere, & là avec un petit tambour, il marque au timonier de quel côté il doit gouverner.

Cet article est tiré de M. Nicolas Witsen, bourgmestre d’Amsterdam, dont l’ouvrage très-estimé est