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Les lames de fer posées, on ferme le moule ; on le joint avec force ; on l’incline ; on retire le creuset du fourneau où on l’a mis quatre à cinq heures à rougir avant que de fondre ; on a un second creuset, on y transvase la matiere ; on en écarte les ordures, les crasses & les cendres ; on tire les autres creusets du fourneau, dont on transvase également la matiere dans le même second creuset : on continue jusqu’au huitieme creuset. Lorsque le creuset du jet contient la matiere de ces huit creusets de fourneau, on saisit celui ci avec la tenaille double, on le porte vers le moule, & l’on coule une table.

Au même moment un ouvrier court au treuil, fourne, releve le moule & le met dans sa situation horisontale ; après quoi continuant de tourner, & la pierre de dessous étant arrêtée, il sépare celle de dessus, & le fondeur avec une tenaille tire la table coulée qu’il a grand soin d’ébarber.

Le même moule sert, comme j’ai dit, à fondre les trois tables que fournissent les trois fourneaux ; & dans l’intervalle d’une jettée à l’autre on répare le moule.

Ainsi il y a trois fourneaux, huit creusets dans chacun ; ces huit creusets se versent dans un seul, & celui-ci fournit une table ; ce qui fait trois tables pour les trois fourneaux & pour les vingt-quatre creusets.

En réparant le moule, on le rafraichit avec de la fiente de vache ; pour cela on en écarte les lames de fer qui déterminoient les dimensions de la table. On les remet ensuite en place ; on bouche les vuides qu’elles peuvent laisser avec de la fiente de vache. On abat la pierre de dessus, on referme le moule, on le réincline & l’on coule.

Quand les trois tables d’une fonte ont été jettées, on nettoie & l’on rafraîchit encore le moule ; on repose les pierres l’une sur l’autre sans les serrer, & on les couvre avec trois ou quatre grosses couvertures de laine, afin de les tenir chaudes pour la fonte suivante qui se fait douze heures après.

On observe aussi de tenir les portes & les fenêtres de la fonderie bien fermées, seulement pendant qu’on coule : ensuite on ouvre les portes.

Les ouvriers tiennent le bout de leurs cravates entre leurs dents, soit qu’ils transvasent, soit qu’ils coulent ; ils amortissent ainsi la chaleur de l’air qu’ils respirent.

Après avoir transvasé le cuivre fondu du creuset de fourneau dans le creuset de jettée, le tondeur prend deux bonnes jointées de la composition de calamine & de charbon qui remplit un bacquet, les met dans le creuset qu’il vient de vuider, & par dessus cela la poupe de mitraille ; puis il replace le creuset au fourneau, où il reste jusqu’à ce que les tables soient jettées, c’est-à-dire environ une demi-heure : on en fait autant à tous les autres creusets de fourneau à mesure qu’on les en tire. Le vieux cuivre en s’échauffant devient cassant & s’affaisse bien mieux, lorsqu’on travaille à recharger le creuset ; c’est ce qu’on appelle amollir le cuivre ; le contraire arrive au cuivre rouge.

Les tables étant situées & le moule préparé pour la fonte suivante, on revient aux fourneaux d’où l’on retire les creusets les uns après les autres pour achever de les charger, ce qui se fait en remettant par-dessus le vieux cuivre déja fort échauffé, beaucoup de calamine de composition que l’on entasse avec le fourgon ; à quoi l’on ajoute le cuivre rouge que l’on enfonce dans la calamine en frappant fortement avec la palette : pour cet effet on assujettit & l’on tient droit le creuset avec la pince coudée & le bouriquet.

Chaque creuset chargé, on le replace au fourneau, on l’y arrange, on repart les onze trous du

fond du fourneau qui servent de soufflet : on débouche ceux qui peuvent se trouver bouchés, ou l’on remet de l’argille à ceux qui sont trop agrandis ; en un mot on acheve comme pour la premiere fonte. On fait d’abord peu de feu, du-moins pendant les deux premieres heures, après lesquelles le fondeur prend de la calamine de composition dans un panier, & sans déplacer les creusets, il en jette sur chacun une ou deux poignées ; cela remplit l’espace causé par l’affaissement des matieres. D’ailleurs il y a une dose de matiere pour chaque creuset. & il faut qu’elle y entre ou tout de suite, ou à des intervalles de tems différens.

Si un creuset vient alors à casser, on le retire & on le remplace par celui qui a servi à couler les tables, parce qu’il est encore rouge & disposé à servir ; mais lorsque les huit creusets sont placés & attachés, s’il en casse un, on ne dérange plus rien ; la table se trouve alors d’un moindre poids & plus courte.

On attise en premier lieu en mettant au fourneau une manne de charbon qui contient 200 livres pesant. On commence par choisir les plus gros morceaux qu’on couche sur les bords du creuser ; quand on a formé de cette maniere une espece de plancher, on jette le reste du charbon sans aucune attention, & l’on couvre aux deux tiers la bouche du fourneau, quelques heures après on lui donne, comme disent les ouvriers, à manger de la petite houille, ou du charbon de terre menu.

C’est entre deux & trois heures de l’après-midi qu’on coule ; à cinq heures, les creusets sont tous rangés ; sur les dix heures on donne à manger aux fourneaux, & la seconde fonte se fait à deux heures & demie, ou trois heures après minuit, c’est-à-dire qu’il y a toujours environ douze heures d’une jettée à une autre.

Le samedi ou la veille des grandes fêtes, après la fonte ou jettée, on charge & l’on attise, comme si l’on devoit couler la nuit suivante ; mais sur les quatre à cinq heures du soir, les fondeurs ne font que fermer exactement les bouches des fourneaux qui font bien allumés ; ils ne laissent d’autre ouverture que celle qui est au centre du couvercle. Cette ouverture est d’environ d’un pouce & demi de diametre : le tout se tient en cet état jusqu’au lundi suivant. Sur les 5 heures du matin les fondeurs arrivent, & raniment le feu par de nouveau charbon son action a été si foible pendant tout l’intervalle qui s’est écoule, que le travail est quelquefois très-peu avancé, & qu’il faut forcer pour rattraper le cours des fontes accoutumées.

Le travail de la fonderie demande une attention presque continuelle, soit pour attiser & conduire le feu, en ouvrant & fermant les régîtres, soit pour aiguiser les pierres, y appliquer un nouvel enduit, couper & débiter les tables du poids requis. C’est au maitre fondeur à regler toutes ces choses : il a pour aide deux autres ouvriers ; & quoiqu’il n’y ait que trois hommes par fonderie, chaque manufacture a du-moins deux fonderies, dont les ouvriers vont de l’une à l’autre, lorsque la manœuvre le requiert, comme lorsqu’il s’agit d’aiguiser les pierres ou de couper les tables.

Les autres ouvriers sont employés ou au moulin ou au blutoir, & l’on emprunte leur secours dans l’occasion.

La paie du maître fondeur est plus forte que celle de ses aides.

On fournit à tous la biere, le chauffage, la houille pour leur ménage, qu’ils n’habitent que le samedi jusqu’au lundi. Ils ne s’éloignent jamais de leur attelier. Tandis qu’un d’entr’eux se repose sur les lits de l’usine, les autres veillent.

Trois fourneaux consomment ordinairement 1000 livres pesant de charbon par chaque fonte de douze