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Quatrieme procédé. Après ces trois procédés de piler, brûler & laver, il faut broyer les cendres lavées dans le moulin à mercure, & observer que le mercure soit bien propre & pur ; il en faut mettre assez pour que toute la surface de la bassine en soit couverte, & à proportion de la pesanteur des croisées ; après cela on charge les moulins de cendres à broyer, on en met environ quinze livres mouillées, ce qui revient à dix livres de seches sur trente livres de vif argent, & l’on broye cela très-lentement pendant douze heures, si c’est une lavure en or ; & six heures seulement, si c’est une lavure d’argent ; ensuite on laisse reposer un peu la matiere, car si on la sortoit tout de suite, on courroit risque que des petites parties de mercure ne sortissent avec, ce qui feroit une perte non seulement sur la quantité du mercure, mais encore parce que ce mercure est toujours enrichi : après que la matiere a été reposée, ôtez le bouchon du moulin, afin qu’elle sorte & se jette dans la cuve qui est placée vis-à-vis & un peu dessous, autour de laquelle on range la quantité de moulins dont on veut se servir pour l’opération : si l’on a beaucoup de cendres à passer, il faut prendre beaucoup de moulins, afin d’accélérer l’opération qui est très-ennuyeuse. Un particulier qui a une lavure un peu forte, ne sauroit mieux faire pour ses intérêts que de laver ses cendres dans la machine nouvellement établie à Paris sur le quai d’Orçay ; elle remplit toutes les conditions que l’on peut desirer, tant pour la promptitude avec laquelle elle travaille, ayant quarante-huit moulins qui vont jour & nuit, & marchent tout-à-la-fois par un seul moteur, que pour la perfection avec laquelle elle opere, la construction de ces moulins étant beaucoup plus parfaite à tous égards que ceux que l’on a eux jusqu’à présent ; ils ramassent mieux la matiere, & il est démontré qu’elle rapporte plus, opérant dans cette machine que, si on la faisoit dans les anciens moulins ; ceux qui en ont la direction, sont des gens de confiance très-entendus, & la situation des lieux donne une grande commodité qu’on trouve rarement chez soi.

Plusieurs personnes sont dans l’usage de repasser une seconde fois cette terre qu’ils appellent regrets, sur-tout si c’est une lavure un peu considérable : mais si l’on a pris toutes les précautions indiquées dans les trois premiers procédés, c’est en pure perte ; & pour ne pas risquer les frais d’une seconde opération, on doit faire l’essai de ces regrets en en fondant au moins trois onces dans un creuset avec le flux noir, & la litharge de plomb que l’on aura essayé auparavant pour savoir ce qu’elle contient de fin ; on coupelle ensuite le culot de plomb provenu de cette fonte, & l’on sait si ces regrets contiennent encore de la matiere ; il faut aussi examiner soigneusement s’il n’y a point de mercure dedans ; pour cet effet, faites sécher à l’air & bien parfaitement une certaine quantité de regrets, observez si vous ne voyez point de mercure ; pesez-les exactement lorsqu’ils sont bien secs ; exposez-les après cela à un feu doux, pour évaporer le mercure ; voyez ensuite si vos cendres ont fait un déchet considérable, par-là vous jugerez du mercure qui est resté, & s’il y en a beaucoup, n’hésitez pas de les repasser, ne fût-ce que pour reprendre le mercure qui est dedans, parce qu’il est chargé de matieres ; mais prenez bien vos précautions à cette seconde opération, pour qu’il ne passe point de mercure avec vos cendres, ou le moins possible, lorsque vous levez les moulins.

Toutes les cendres étant passées, on leve les moulins, c’est-à-dire on retire tout le mercure, on le lave, on le sait sécher, on le passe au travers

d’une peau de chamois, dans une machine faite exprès, ce qui reste dans la peau est la matiere qui étoit contenue dans vos cendres ; cependant il ne faut point se défaire de ce mercure, il convient même à ceux qui ont de fortes lavures d’avoir leur mercure à eux, au lieu qu’ordinairement ce sont les laveurs qui le fournissent, & il ne se peut pas faire autrement qu’il ne reste toujours chargé d’un peu d’or ou d’argent, ce qui est d’autant de perte pour celui à qui appartient la lavure.

Cinquieme procédé. Les boules qui sont restées dans la peau de chamois contenant encore du mercure, il faut le faire évaporer ou distiller ; pour cet effet on met ces boules de matiere dans des cornues de verre ; il seroit cependant mieux d’en avoir de fer, & faites exprès ; elles doivent être de deux pieces qui s’ouvrent environ à moitié de leur hauteur, qui est à peu près de huit pouces, la partie supérieure qui forme une espece de chapiteau, porte un tuyau au col dans le côté qu’on adapte ou fait entrer dans une cornue de verre qui sert de recipient ; on a soin de bien lutter la jointure de cette cornue de fer, soit dans l’endroit où elle est brisée, soit au col ou elle est jointe avec celle de verre, par ce moyen on évite les accidens qui sont assez fréquens, lorsqu’on se sert des cornues ou matras de verre sujets à se casser, ce qui cause des pertes considérables, & expose les personnes qui ont la conduite de l’opération à recevoir des éclats du verre & être blesses : on économiseroit aussi ; car la dépense de la cornue de fer une fois faite, c’est pour toujours, au lieu qu’il faut casser celle de verre à chaque opération. On commence par faire un feu très-leger ; cette opération doit se faire sur un bain de sable dans une capsule de fer, le feu s’y ménage beaucoup mieux & augmente insensiblement ; il convient aussi que la cornue de verre, qui sert de récipient, contienne moitié de sa capacité d’eau.

Après que la distillation est faite, on laisse refroidir les cornues, on casse celle qui contient la matiere métallique, qui étoit dans les cendres de lavure, si elle est de verre ; & si elle est de fer, on la delutte avec soin & propreté, on enleve le dessus par deux anses qu’elle doit avoir, & on retire la matiere qui est au fond. On fond tout cela ensemble avec du borax & du salpêtre rafiné, on laisse la matiere en fusion pendant une quart-d heure, on la remue souvent avec une baguette de bois, pour la bien mêler, ensuite on la jette dans une lingotiere préparée à cet effet ; quelques-uns sont dans l’usage de laisser la premiere fonte en culot au fond du creuset, ce qui est encore mieux : on affine cette matiere, si l’on est à portée de le faire, & l’on fait le départ des deux fins ; il vaut beaucoup mieux que les ouvriers qui font des ouvrages fins & délicats vendent le produit de leurs lavures à un affineur ; car il est assez ordinaire que cet or contienne de l’émeri ou grain d’émail formé par la fonte des métaux vitrifiables qui se sont trouvés parmi l’or ou l’argent, ce qui cause beaucoup de dommage à leurs ouvrages, & les empêche souvent de rendre leur or doux & malléable.

Description du nouveau moulin chimique, ou moulin à lavure. Nous avons vu par le mémoire précédent l’objet que se propose le nouveau moulin chimique ; il nous reste à donner la description du méchanisme qui le compose.

La force motrice, suivant le modele en petit, est représenté par une manivelle au lieu d’une roue, à laquelle on donne, dans son exécution en grand, plus ou moins de diametre, suivant la force du courant d’eau, qui doit lui communiquer le mouvement.