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bres & de franche condition, étoit reconnu pour bourgeois du roi ou d’un autre seigneur, selon qu’il s’adressoit pour cet effet à l’un ou à l’autre.

L’ordonnance de Philippe le Bel donnée au parlement, de la pentecôte 1287, touchant les bourgeoisies, explique ainsi la forme d’obtenir les lettres de bourgeoisie. Quand aucun vouloit entrer en aucune bourgeoisie, il devoit aller au lieu dont il requiéroit être bourgeois, & devoit venir au prevôt du lieu ou à son lieutenant ou au maire des lieux qui reçoivent des bourgeois sans prevôt, & dire à cet officier : « Sire, je vous requiere la bourgeoisie de cette ville, & suis appareillé de faire ce que je dois ». Alors le prevôt ou le maire ou leur lieutenant, en la présence de deux ou de trois bourgeois de la ville, du nom desquels les lettres devoient faire mention, recevoit sûreté de l’entrée de la bourgeoisie, & que le (récipiendaire) feroit ou acheteroit, pour raison de la bourgeoisie, une maison dans l’an & jour de la valeur de 60 sols parisis au moins. Cela fait & registré, le prevôt ou le maire donnoit à l’impétrant un sergent pour aller avec lui par devers le seigneur sous lequel il étoit départi, ou devant son lieutenant, pour lui faire savoir que l’impétrant étoit entré en la bourgeoisie de telle ville à tel jour & en tel an, ainsi qu’il étoit contenu dans les lettres de bourgeoisie. (A)

Lettres de cachet, appellées aussi autrefois lettres closes ou clauses, lettres du petit cachet ou du petit signet du roi, sont des lettres émanées du souverain, signées de lui, & contresignées d’un secrétaire d’état, écrites sur simple papier, & pliées de maniere qu’on ne peut les lire sans rompre le cachet dont elles sont fermées ; à la différence des lettres appellées lettres patentes qui sont toutes ouvertes, n’ayant qu’un seul repli au-dessous de l’écriture, qui n’empêchent point de lire ce qu’elles contiennent.

On n’appelle pas lettres de cachet toutes les lettres missives que le prince écrit selon les occasions, mais seulement celles qui contiennent quelque ordre, commandement ou avis de la part du prince.

La lettre commence par le nom de celui ou ceux auxquels elle s’adresse, par exemple : Monsieur *** (ensuite sont le nom & les qualités) je vous fais cette lettre pour vous dire que ma volonté est que vous fassiez telle chose dans tel tems, si n’y faites faute. Sur ce, je prie Dieu qu’il vous ait en sa sainte & digne garde.

La suscription de la lettre est à celui ou ceux à qui ou auxquels la lettre est adressée.

Ces sortes de lettres sont portées à leur destination par quelque officier de police, ou même par quelque personne qualifiée, selon les personnes auxquelles la lettre s’adresse.

Celui qui est chargé de remettre la lettre fait une espece de procès-verbal de l’exécution de sa commission, en tête duquel la lettre est transcrite ; & au bas, il fait donner à celui qui l’a reçûe une reconnoissance comme elle lui a été remise ; ou s’il ne trouve personne, il fait mention des perquisitions qu’il a faites.

L’objet des lettres de cachet est souvent d’envoyer quelqu’un en exil, ou pour le faire enlever & constituer prisonnier, ou pour enjoindre à certains corps politiques de s’assembler & de faire quelque chose, ou au contraire pour leur enjoindre de délibérer sur certaine matiere. Ces sortes de lettres ont aussi souvent pour objet l’ordre qui doit être regardé dans certaines cérémonies, comme pour le te Deum, processions solemnelles, &c.

Le plus ancien exemple que l’on trouve des lettres de cachet, entant qu’on les emploie pour exiler quelqu’un, est l’ordre qui fut donné par Thierry ou par Brunehaut contre S. Colomban pour le faire sortir de son monastere de Luxeuil, & l’exiler dans un au-

tre lieu pour y demeurer jusqu’à nouvel ordre, quoadusque regalis sententia quod voluisset decerneret. Le

saint y fut conduit de force, ne voulant pas y déférer autrement ; mais aussi-tôt que les gardes furent retirés, il revint à son monastere : sur quoi il y eut de nouveaux ordres adressés au comte juge du lieu.

Nos rois sont depuis fort long-tems dans l’usage de se servir de différens sceaux ou cachets selon les lettres qu’ils veulent sceller.

On tient communément que Louis le jeune fut le premier qui, outre le grand sceau royal dont on scelloit dès-lors toutes les lettres patentes, eut un autre scel plus petit, appellé scel du secret, dont il scelloit certaines lettres particulieres qui n’étoient point publiques, comme les lettres patentes. Les lettres scellées de ce scel secret, étoient appellées lettres closes ou encloses dudit scel : il est parlé de ces lettres closes dans des lettres de Charles V. alors lieutenant du roi Jean son pere, du 10 Avril 1357. Ce scel secret étoit porté par le grand chambellan, & l’on s’en servoit en l’absence du grand sceau pour sceller les lettres patentes.

Il y eut même un tems où l’on ne devoit apposer le grand sceau à aucunes lettres patentes qu’elles n’eussent été envoyées au chancelier étant closes de ce scel secret, comme il est dit dans une ordonnance de Philippe V. du 16 Novembre 1318. Ce scel secret s’apposoit aussi au revers du grand scel, d’où il fut appellé contre-scel, & de-là est venu l’usage des contre-sceaux que l’on appose présentement à la gauche du grand scel ; mais Charles V. dont on a déja parlé, étant régent du royaume, fit le 14 Mai 1358 une ordonnance portant entre autres choses, que plusieurs lettres patentes avoient été au tems passé scellées du scel secret, sans qu’elles eussent été vûes ni examinées en la chancellerie, il ordonna en conséquence que dorênavant nulles lettres patentes ne seroient scellées pour quelconque cause de ce scel secret, mais seulement les lettres closes. Voyez ordonnances royaux, tome, &c. Ce même prince, étant encore régent du royaume, fit une autre ordonnance le 27 Janvier 1359, portant que l’on ne scelleroit nulles lettres ou cédules ouvertes du scel secret, à moins que ce ne fussent des lettres très-hatives touchant Monsieur ou Nous, & en l’absence du grand scel & du scel du châtelot & non autrement, ni en autre cas ; & que si quelques-unes étoient scellées autrement, l’on n’y obéiroit pas.

Le roi Jean donna, le 3 Novembre 1361, des lettres ou mandement pour faire exécuter les ordonnances qui avoient fixé le prix des monnoies. Lettres scellées du grand scel du roi furent envoyées à tous les baillifs & sénéchaux, dans une boîte scellée du contre-scel du châtelet de Paris, avec des lettres closes du 6 du même mois, scellées du scel secret du roi, par lesquelles il leur étoit ordonné de n’ouvrir la boîte que le 15 Novembre, & de ne publier que ce jour-là les lettres qu’ils y trouveroient. La forme de ces lettres closes étoit telle :

De par le Roi..... bailli de ..... nous vous envoyons certaines lettres ouvertes scellées de notre grand scel, encloses en une boîte scellée du contre scel de la prevôté de Paris : si vous mandons que le contenu d’icelles vous fassiez tenir & garder plus diligemment que vous n’avez fait au tems passé, & bien vous gardez que icelle boîte ne soit ouverte, & que lesdites lettres vous ne véez jusqu’au quinzieme jour de ce présent mois de Novembre, auquel jour nous voulons que le contenu d’icelles vous fassiez crier & publier par tout votre bailliage & ressort d’icelui, & non avant. Si gardez si cher comme vous doutez encourre en notre indignation que de ce faire n’ait aucun défaut. Donné à Paris le 6 Novembre 1361. Ainsi signé Collors.

Il y avoit pourtant dès-lors outre le scel secret un