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jurisconsultes, & lorsque ceux-ci en ont dressé le projet, la puissance publique y met le sceau de son autorité en les adoptant & les faisant publier en son nom.

Chez les anciens, les sages & les philosophes furent les premiers auteurs des lois.

Moïse, le plus anciens de tous législateurs, donna aux Juifs plusieurs sortes de lois ; outre celles qui lui furent dictées par la sagesse divine, & que l’on appelle les lois du Décalogue, parce qu’elles sont renfermées en dix commandemens ; il leur donna aussi des lois cérémonielles pour le culte divin, & des lois politiques pour le gouvernement civil.

Les premieres lois ne pourvurent qu’aux grands inconvéniens ; les lois civiles régloient le culte des dieux, le partage des terres, les mariages, les successions ; les lois criminelles n’étoient rigoureuses que pour les crimes que l’on redoutoit le plus ; & à mesure qu’il survint de nouveaux désordres, on tâcha d’y remédier par de nouvelles lois.

Ceux qui donnerent des lois aux nations voisines des juifs emprunterent beaucoup de choses dans les lois de Moïse.

En Egypte, les rois eux-mêmes s’étoient soumis à certaines lois ; leur nourriture, leurs occupations étoient réglées, & ils ne pouvoient s’écarter de ces regles sans être sujets aux peines qu’elles prononçoient.

Osiris, roi d’Egypte, regla le culte des dieux, le partage des terres, la distinction des conditions. Il défendit d’user de prise de corps contre le débiteur, la rhétorique fut bannie des plaidoyers pour prévenir la séduction : les Egyptiens engageoient les cadavres de leurs peres, ils les donnoient à leurs créanciers en nantissement, & c’étoit une infamie à eux que de ne les pas dégager avant leur mort ; il y avoit même un tribunal où l’on jugeoit les hommes après leur mort, afin que la crainte d’une telle flétrissure portât les hommes à la vertu.

Amasis prononça la peine de mort contre le meurtrier volontaire, le parjure, le calomniateur, & contre ceux qui pouvant secourir un homme le laissoient assassiner.

En Crete, Minos établit la communauté des tables & des repas. Il voulut que les enfans fussent élevés ensemble, écarta l’oisiveté & le luxe, fit observer un grand respect pour la divinité & pour les maximes fondamentales de l’état.

Lycurgue qui donna des lois à Lacédémone, institua aussi à l’imitation de Minos, les tables communes & l’éducation publique de la jeunesse ; il consentit à l’établissement d’un sénat qui tempérât la puissance trop absolue des rois par une autorité au moins égale à la leur ; il bannit l’or & l’argent, & les arts superflus, & ordonna que les terres fussent partagées également entre tous les citoyens ; que les ilotes, espece d’esclaves, cultiveroient les terres, & que les Spartiates ne s’occuperoient qu’aux exercices qui les rendroient propres à la guerre.

Il permit la communauté des femmes, voulant par ce moyen peupler l’état, sans que le courage des hommes fût amolli par des engagemens trop tendres.

Lorsque les parens pouvoient prouver que leurs enfans étoient mal sains, il leur étoit permis de les tuer. Lycurgue pensoit qu’un homme incapable de porter les armes ne méritoit pas de vivre.

La jeunesse des deux sexes luttoit ensemble ; ils faisoient leurs exercices tous nuds en place publique.

On ne punissoit que les voleurs mal-adroits, afin de rendre les Spartiates vifs, subtils & défians.

Il étoit défendu aux étrangers de s’arrêter à Spar-

te, de crainte que leurs mœurs ne corrompissent celles

que Lycurgue avoit introduites.

Dracon, premier législateur d’Athènes, fit des lois si rigoureuses, qu’on disoit qu’elles étoient écrites plutôt avec du sang, qu’avec de l’encre. Il punissoit de mort les plus petites fautes, & alla jusqu’à faire le procès aux choses inanimées ; une statue, par exemple, qui en tombant avoit écrasé quelqu’un, étoit bannie de la ville.

Mais, comme les pauvres souffroient beaucoup des véxations de leurs créanciers ; Solon fut choisi pour reformer les abus & déchargea les débiteurs.

Il accorda aux citoyens la liberté de tester, permit aux femmes qui avoient des maris impuissans, d’en choisir d’autres parmi leurs parens.

Ses lois prononçoient des peines contre l’oisiveté, & déchargeoient ceux qui tuoient un adultere. Elles défendoient de confier la tutelle d’un enfant à son plus proche héritier.

Celui qui avoit crevé l’œil à un borgne étoit condamné à perdre les deux yeux.

Il étoit interdit aux débauchés de parler dans les assemblées publiques.

Solon ne fit point de loi contre le parricide, ce crime lui paroissoit inoui ; il craignit même en le défendant d’en donner l’idée.

Il voulut que ses lois fussent déposées dans l’aréopage.

Les lois d’Athènes passerent dans la suite à Rome : mais avant d’y avoir recours, Romulus, fondateur de l’empire romain, donna des lois à ses sujets ; il permit aussi au peuple assemblé de faire des lois qu’on appella plébiscites.

Toutes les lois faites par Romulus & par ses successeurs rois furent appellées lois royales, & renfermées dans un code appellé papyrien.

Les sénatus consultes ou arrêts du sénat avoient aussi force de lois.

Vers la fin de l’an 300 de Rome, on envoya en Grece des députés pour choisir ce qu’il y auroit de meilleur dans les lois des différentes villes de ce pays, & en composer un corps de lois ; les décemvirs substitués aux consuls, rédigerent ces lois sur dix tables d’airain, auxquelles peu après ils en ajouterent deux autres ; c’est pourquoi ce corps de lois fut nommé la loi des douze tables, dont il ne nous reste plus que des fragmens.

Les préteurs & les édiles faisoient des édits qui avoient aussi force de lois.

Outre les droits de souveraineté dont Auguste fut gratifié par le peuple ; on lui donna le pouvoir de faire des lois, cette prérogative lui fut accordée par une loi nommée regia.

Auguste donna lui même à un certain nombre de jurisconsultes distingués le droit d’interpréter les lois & de donner des décisions, auxquelles les juges seroient obligés de conformer leurs jugemens.

Théodose donna pareillement force de loi aux écrits de plusieurs anciens jurisconsultes.

Les lois romaines ont été toutes renfermées dans les livres de Justinien, qui sont le digeste & le code, les institutes, les novelles.

Les successeurs de Justinien ont aussi fait quelques lois, mais il y en a peu qui se soient conservées jusqu’à nous.

Les romains porterent leurs lois dans tous les pays dont ils avoient fait la conquête ; ce fut ainsi que les Gaules les reçurent.

Dans le cinquieme siecle, les peuples du nord inonderent une partie de l’Europe, & introduisirent leurs lois chez les vaincus.

Les Gaules furent envahies par les Visigoths, les Bourguignons & les Francs.

Clovis, fondateur de la monarchie françoise, laissa