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observations. Ayant passé peu de tems après à Genève, il observa de son côté très-soigneusement le même phénomene pendant les années 1684, 1685, & jusque vers le milieu de 1686, où il en écrivit à M. Cassini une grande lettre qui fut imprimée à Amsterdam la même année. M. Cassini a fait mention de cette lettre & avec éloge, en plus d’un endroit du traité qu’il nous a laissé sur ce sujet, sous le titre de découverte de la lumiere céleste qui paroît dans le zodiaque, & qui fut donné au public quatre ans après, dans le volume des voyages de l’académie des Sciences. Il est parlé encore dans les miscellanea naturæ curiosorum, de plusieurs observations de cette lumiere faites en Allemagne par MM. Kirch & Eimmart, aux années 1688, 89, 91 & 93, jusqu’au commencement de 1694 ; mais il n’y en a qu’un petit nombre qui y soient détaillées.

On pourroit conjecturer, dit M. Cassini, que ce phénomene a paru autrefois, & qu’il est du nombre de ceux que les anciens ont appellés trabes ou poutres. M. Cassini se rappelle aussi avoir vû dès l’année 1668, étant à Boulogne, un phénomene fort semblable à celui dont il s’agit, dans le tems que le chevalier Chardin en observoit un tout pareil dans la ville capitale de l’une des provinces de Perse.

Mais un avertissement que Childrey donna aux Mathématiciens à la fin de son histoire naturelle d’Angleterre, Britannia Baconica, écrite environ l’an 1659, porte quelque chose de plus positif sur ce sujet, & dont M. Cassini n’a pas oublié de lui faire honneur. « C’est, dit le savant anglois, qu’au mois de Février, un peu avant, un peu après, il a observé, pendant plusieurs années consécutives vers les six heures du soir, & quand le crépuscule a presque quitté l’horison, un chemin lumineux fort aisé à remarquer, qui se darde vers les pléïades, & qui semble les toucher ».

Enfin M. Cassini ajoute à ces témoignages celui de plusieurs anciens auteurs qui ont vû des apparences célestes qu’on ne peut méconnoître pour la lumiere zodiacale, quoiqu’ils ne l’aient pas soupçonnée en tant que telle, ce qui acheve de le convaincre de l’ancienneté de ce phénomene.

L’opinion la plus reçue touchant la lumiere de la queue des cometes, est qu’elle consiste dans la réflexion des rayons du soleil qui les éclaire. Or M. Cassini remarque en cent endroits de son ouvrage la ressemblance extrème de la lumiere zodiacale avec la queue des cometes. « Les queues des cometes, dit-il, sont une apparence semblable à celle de notre lumiere, elles sont de la même couleur..... Leur extrémité qui est plus éloignée du soleil, paroît aussi douteuse : de sorte qu’en un même instant elles paroissent diversement étendues à diverses personnes, étant de même variables selon les divers degrés de clarté de l’air, & selon le mélange de la lumiere de la lune & des autres astres. On voit aussi à-travers de ces queues les plus petites étoiles : de sorte que par tous ces rapports on peut juger que l’une & l’autre apparence peut avoir un sujet semblable ».

M. Fatio, qui a aussi examiné très-assidument la lumiere zodiacale pendant trois ou quatre années, en porte le même jugement. Ce sera donc vraissemblablement, comme M. Fatio l’insinue en plusieurs endroits de sa lettre, une espece de fumée ou de brouillard, mais si délié, qu’on voit à-travers les plus petites étoiles. Cette derniere circonstance est remarquable, & se trouve souvent de même ou à-peu-près, soit dans les parties les plus claires & les plus brillantes de l’aurore boréale, soit dans les plus obscures & les plus fumeuses, telles que le segment qui borde ordinairement l’horison, & qui est concentrique aux arcs lumineux.

M. Cassini compare encore très-souvent la lumiere zodiacale à la voie lactée, tant parce qu’elle paroît ou disparoît dans les mêmes circonstances, que par leur rapport de clarté. C’est sous cette idée qu’il l’annonça aux Savans dans le journal de 1683… « Une lumiere semblable à celle qui blanchit la voie de lait, mais plus claire & plus éclatante vers le milieu, & plus foible vers les extrémités, s’est répandue par les signes que le soleil doit parcourir, &c ». Mais il paroît qu’elle augmenta de force & de densité dans la suite, & sur-tout en 1686 & 1687.

A en juger par mes propres yeux depuis que j’observe, dit M. de Mairan, elle est aussi plus forte, plus dense que la lumiere de la voie de lait, dans les jours favorables à l’observation, & presque toujours plus uniforme, moins blanche quelquefois, & tirant un peu vers le jaune ou le rouge dans sa partie qui borde l’horison, ce qui pourroit aussi venir sans doute des vapeurs & du petit brouillard dont il est rare que l’horison soit parfaitement dégagé ; & dans cet état je ne vois pas, ajoute le même auteur, qu’on puisse distinguer les petites étoiles à-travers, excepté vers les extrémités de la lumiere. M. Derham, de la société royale de Londres, a apperçu cette couleur rougeâtre dans la lumiere zodiacale en 1707. On peut avoir pris garde aussi depuis quelques années, que sa base est très-souvent confondue avec une espece de nuage fumeux qui nous en dérobe la clarté, qui déborde plus ou moins au-delà à droite & à gauche sur l’horison, & qui est tout-à-fait semblable par sa couleur & par sa consistence apparente, au segment obscur qu’on a coutume de voir au-dessous de l’arc lumineux de l’aurore boréale. Ce phénomene s’y mêle encore d’ordinaire dans cette occasion, & fait corps avec la lumiere zodiacale au dessus du nuage fumeux, en s’étendant vers le nord-ouest, & quelquefois jusqu’au nord & au-delà.

Enfin, je ne dois pas passer sous silence, continue M. de Mairan, une singularité remarquable du tissu apparent de cette lumiere, c’est qu’en la regardant attentivement par de grandes lunettes, feu M. Cassini y a vû petiller comme de petites étincelles ; il a douté cependant si cette apparence n’étoit point causée par la forte application de l’œil, ne pouvant déterminer ni le nombre ni la configuration de ces atomes lumineux, & ceux qui observoient avec lui n’y distinguant rien de plus fixe. M. de Mairan a vu deux fois ce petillement avec une lunette de 18 piés. & même avec une de 7, & il lui semble l’avoir vu une fois sans lunettes. J’avoue, continue-t-il, que je me défie beaucoup, avec M. Cassini, du témoignage des yeux, quand il s’agit des objets de cette nature, & si peu marqués. Mais je trouve encore quelques autres observations dont on peut inférer qu’il y a eu des tems & certains cas où les étincelles apperçues dans la lumiere zodiacale, & ce pétillement, ont été sensibles à la vue simple, si ce n’est dans cette lumiere, du-moins dans celle de la queue des cometes, qui lui ressemble déja si fort par d’autres endroits.

A en juger par les observations, & à rassembler toutes les circonstances qui les accompagnent, M. de Mairan trouve que la lumiere zodiacale, lorsqu’elle a été apperçue, n’a jamais occupé guere moins de 50 ou 60 degrés de longueur depuis le soleil jusqu’à sa pointe, & de 8 à 9 degrés de largeur à sa partie la plus claire & la plus proche de l’horison : ce sont des dimensions qu’elle eut souvent en l’année 1683, où M. Cassini commença de l’observer. Elle ne parut avoir que 45 degrés de longueur en 1688, le 6 Janvier, mais les brouillards qu’il y avoit près de l’horison, & la clarté de la planete de Vénus, où elle se terminoit, ne peuvent manquer de l’avoir beaucoup diminuée. M. de Mairan trouve de même