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vîte. Mâcher se dit au figuré. Je lui ai donné sa besogne toute mâchée. Il y a des peuples septentrionaux qui tuent leurs peres quand ils n’ont plus de dents. Un habitant de ces contrées demandoit à un des nôtres ce que nous faisions de nos vieillards quand ils ne mâchoient plus. Il auroit pû lui répondre, nous mâchons pour eux. Il ne faut quelquefois qu’un mot frappant qui reveille dans un souverain le sentiment de l’humanité, pour lui faire reconnoître & abolir des usages barbares.

Macher son mors, (Maréchal.) se dit d’un cheval qui remue son mors dans sa bouche, comme s’il vouloit le mâcher. Cette action attire du cerveau une écume blanche & liée, qui témoigne qu’il a de la vigueur & de la santé, & qui lui humecte & rafraîchit continuellement la bouche.

MACHEROPSON, s. m. (Hist. anc.) voyez Machaera.

MACHETTE, (Ornith.) voyez Hulotte.

MACHICOULIS ou MASSICOULIS, s. m. sont en termes de Fortification, des murs dont la partie extérieure avance d’environ 8 ou 10 pouces sur l’inférieure ; elle est soutenue par des especes de suports de pierre de taille, disposés de maniere qu’entre leurs intervalles on peut découvrir le pié du mur sans être découvert par l’ennemi. Ces machicoulis étoient fort en usage dans l’ancienne fortification. Dans la nouvelle on s’en sert quelquefois aux redoutes de maçonnerie, placées dans des endroits éloignés des places : comme ces sortes d’ouvrages ne sont pas flanqués, l’ennemi pourroit les détruire aisément par la mine, si l’accès du pié du mur lui étoit permis ; c’est un inconvénient auquel on remédie par les machicoulis. Voyez Redoutes a machicoulis. On n’emploie pas cet ouvrage dans les lieux destinés à resister au canon, mais dans les forts qu’on veut conserver & mettre à l’abri des partis.

MACHIAN, (Géog.) l’une des îles Moluques, dans l’Océan oriental : elle a environ 7 lieues de tour. Long. 144. 50. lat. 16. (D. J.)

MACHIAVELISME, s. m. (Hist. de la Philos.) espece de politique détestable qu’on peut rendre en deux mots, par l’art de tyranniser, dont Machiavel le florentin a répandu les principes dans ses ouvrages.

Machiavel fut un homme d’un génie profond & d’une érudition très-variée. Il sut les langues anciennes & modernes. Il posséda l’histoire. Il s’occupa de la morale & de la politique. Il ne négligea pas les lettres. Il écrivit quelques comédies qui ne sont pas sans mérite. On prétend qu’il apprit à regner à César Borgia. Ce qu’il y a de certain, c’est que la puissance despotique de la maison des Médicis lui fut odieuse, & que cette haine, qu’il étoit si bien dans ses principes de dissimuler, l’exposa à de longues & cruelles persécutions. On le soupçonna d’être entré dans la conjuration de Soderini. Il fut pris & mis en prison ; mais le courage avec lequel il resista aux tourmens de la question qu’il subit, lui sauva la vie. Les Médicis qui ne purent le perdre dans cette occasion, le protégerent, & l’engagerent par leurs bienfaits à écrire l’histoire. Il le fit ; l’expérience du passé ne le rendit pas plus circonspect. Il trempa encore dans le projet que quelques citoyens formerent d’assassiner le cardinal Jules de Médicis, qui fut dans la suite élevé au souverain pontificat sous le nom de Clément VII. On ne put lui opposer que les éloges continuels qu’il avoit fait de Brutus & Cassius. S’il n’y en avoit pas assez pour le condamner à mort, il y en avoit autant & plus qu’il n’en falloit pour le châtier par la perte de ses pensions : ce qui lui arriva. Ce nouvel échec le précipita dans la misere, qu’il supporta pendant quelque tems. Il mourut à l’âge de 48 ans, l’an 1527, d’un médicament qu’il s’administra lui même comme un préservatif

contre la maladie. Il laissa un fils appellé Luc Machiavel. Ses derniers discours, s’il est permis d’y ajoûter foi, furent de la derniere impiété. Il disoit qu’il aimoit mieux être dans l’enfer avec Socrate, Alcibiade, César, Pompée, & les autres grands hommes de l’antiquité, que dans le ciel avec les fondateurs du christianisme.

Nous avons de lui huit livres de l’histoire de Florence, sept livres de l’art de la guerre, quatre de la république, trois de discours sur Tite-Live, la vie de Castruccio, deux comédies, & les traités du prince & du sénateur.

Il y a peu d’ouvrages qui ait fait autant de bruit que le traité du prince : c’est-là qu’il enseigne aux souverains à fouler aux piés la religion, les regles de la justice, la sainteté des pacts & tout ce qu’il y a de sacré, lorsque l’intérêt l’exigera. On pourroit intituler le quinzieme & le vingt-cinquieme chapitres, des circonstances où il convient au prince d’être un scélérat.

Comment expliquer qu’un des plus ardens défenseurs de la monarchie soit devenu tout-à-coup un infâme apologiste de la tyrannie ? le voici. Au reste, je n’expose ici mon sentiment que comme une idée qui n’est pas tout-à-fait destituée de vraissemblance. Lorsque Machiavel écrivit son traité du prince, c’est comme s’il eût dit à ses concitoyens, lisez bien cet ouvrage. Si vous acceptez jamais un maître, il sera tel que je vous le peins : voilà la bête féroce à laquelle vous vous abandonnerez. Ainsi ce fut la faute de ses contemporains, s’ils méconnurent son but : ils prirent une satyre pour un éloge. Bacon le chancelier ne s’y est pas trompé, lui, lorsqu’il a dit : cet homme n’apprend rien aux tyrans. ils ne savent que trop bien ce qu’ils ont à faire, mais il instruit les peuples de ce qu’ils ont à redouter. Est quod gratias agamus Machiavello & hujus modi scriptoribus, qui apertè & indissimulanter proferunt quod homines facere soleant, non quod debeant. Quoi qu’il en soit, on ne peut guère douter qu’au moins Machiavel n’ait pressenti que tôt ou tard il s’éleveroit un cri général contre son ouvrage, & que ses adversaires ne réussiroient jamais à démontrer que son prince n’étoit pas une image fidele de la plûpart de ceux qui ont commandé aux hommes avec le plus d’éclat.

J’ai oui dire qu’un philosophe interrogé par un grand prince sur une réfutation qu’il venoit de publier du machiavelisme, lui avoit répondu : « sire, je pense que la premiere leçon que Machiavel eût donné à son disciple, c’eût été de réfuter son ouvrage ».

MACHIAVELISTE, s. m. (Gramm. & Moral.) homme qui suit dans sa conduite les principes de Machiavel, qui consistent à tendre à ses avantages particuliers par quelques voies que ce soit. Il y a des Machiavelistes dans tous les états.

MACHICATOIRE, s. m. (Gramm. & Méd.) toute substance médicamenteuse qu’on ordonne à un malade de tenir dans sa bouche, & de mâcher, soit qu’il en doive avaler, soit qu’il en doive rejetter le suc. Le tabac est un machicatoire.

MACHICORE, (Géog.) grand pays de l’île de Madagascar : sa longueur peut avoir, selon Flacourt, 70 lieues de l’est à l’ouest, & autant du nord au sud ; il a environ 50 lieues de large ; mais tout ce pays des Machicores a été ruiné par les guerres, sans qu’on l’ait cultivé depuis. Les habitans vivent dans les bois, & se nourrissent de racines, & des bœufs sauvages qu’ils peuvent attraper. (D. J.)

MACHICOT, s. m. (Hist. eccles.) c’est, dit le dictionnaire de Trévoux, un officier de l’église de Notre-Dame de Paris, qui est moins que les bénéficiers, & plus que les chantres à gage. Ils portent chappe aux fêtes semi-doubles, & tiennent chœur.