Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/807

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du plâtre dans les ouvrages hors de terre. C’est-là, selon Vitruve, une très-bonne maniere de bâtir, parce que, selon lui, plus il y a de mortier, plus les pierres en sont abreuvées, & plus les murs sont solides quand ils sont secs. Mais il faut remarquer aussi que plus il y a de mortier, plus le bâtiment est sujet à tasser à mesure qu’il se seche ; trop heureux s’il tasse également, ce qui est douteux. Cependant on ne laisse pas que de bâtir souvent de cette maniere en Italie, où la pozzolane est d’un grand secours pour cette construction.

Des murs en général. La qualité du terrein, les différens pays où l’on se trouve, les matériaux que l’on a, & d’autres circonstances que l’on ne sauroit prévoir, doivent décider de la maniere que l’on doit bâtir : celle où l’on emploie la pierre est sans doute la meilleure ; mais comme il y a des endroits où elle est fort chere, d’autres où elle est très-rare, & d’autres encore où il ne s’en trouve point du tout, on est obligé alors d’employer ce que l’on trouve, en observant cependant de pratiquer dans l’épaisseur des murs, sous les retombées des voûtes, sous les poutres, dans les angles des bâtimens & dans les endroits qui ont besoin de solidité, des chaînes de pierre ou de grais si on en peut avoir, ou d’avoir recours à d’autres moyens pour donner aux murs une fermeté suffisante.

Il faut observer plusieurs choses en bâtissant : premierement, que les premieres assises au rez-de-chaussée soient en pierre dure, même jusqu’à une certaine hauteur, si l’édifice est très-élevé : secondement, que celles qui sont sur un même rang d’assises soient de même qualité, afin que le poids supérieur, chargeant également dans toute la surface, trouve aussi une résistance égale sur la partie inférieure : troisiemement, que toutes les pierres, moilons, briques & autres matériaux, soient bien unis ensemble & posés bien de niveau. Quatriemement, lorsqu’on emploie le plâtre, de laisser une distance entre les arrachemens A, fig. 16. & 17, & les chaînes des pierres B, afin de procurer à la maçonnerie le moyen de faire son effet, le plâtre étant sujet à se renfler & à pousser les premiers jours qu’il est employé ; & lors du ravalement général, on remplit ces interstices. Cinquiemement enfin, lorsque l’on craint que les murs ayant beaucoup de charge, soit par leur très-grande hauteur, soit par la multiplicité des planchers, des voûtes &c. qu’ils portent, ne deviennent trop foibles & n’en affaissent la partie inférieure, de faire ce qu’on a fait au Louvre, qui est de pratiquer dans leur épaisseur (fig. 16. & 17.) des arcades ou décharges C, appuyées sur des chaînes de pierre ou jambes sous poutres B, qui en soutiennent la pesanteur. Les anciens, au lieu d’arcades, se servoient de longues pieces de bois d’olivier (fig. 17.) qu’ils posoient sur toute la longueur des murs, ce bois ayant seul la vertu de s’unir avec le mortier ou le plâtre sans se pourrir.

Des murs de face & de refend. Lorsque l’on construit des murs de face, il est beaucoup mieux de faire en sorte que toutes les assises soient d’une égale hauteur, ce qui s’appelle bâtir à assise égale ; que les joints des paremens soient le plus serrés qu’il est possible. C’est à quoi les anciens apportoient beaucoup d’attention ; car, comme nous l’avons vu, ils appareilloient leurs pierres & les posoient les unes sur les autres sans mortier, avec une si grande justesse, que les joints devenoient presqu’imperceptibles, & que leur propre poids suffisoit seul pour les rendre fermes. Quelques-uns croient qu’ils laissoient sur tous les paremens de leurs pierres environ un pouce de plus, qu’ils retondoient lors du ravalement total, ce qui paroît destitué de toute vraissemblance, par la description des anciens ouvrages dont l’His-

toire fait mention. D’ailleurs l’appareil étant une

partie très essentielle dans la construction, il est dangereux de laisser des joints trop larges, non-seulement parce qu’ils sont désagréables à la vûe, mais encore parce qu’ils contribuent beaucoup au défaut de solidité, soit parce qu’en liant des pierres tendres ensemble, il se fait d’autant plus de cellules dans leurs pores, que le mortier dont on se sert est d’une nature plus dure ; soit parce que le bâtiment est sujet à tasser davantage, & par conséquent à s’ébranler ; soit encore parce qu’en employant du plâtre, qui est d’une consistance beaucoup plus molle & pour cette raison plûtôt pulvérisée par le poids de l’édifice, les arrêtes des pierres s’éclatent à mesure qu’elles viennent à se toucher. C’est pour cela que dans les bâtimens de peu d’importance, où il s’agit d’aller vîte, on les calle avec des lattes D, fig. 18, entre lesquelles on fait couler du mortier, & on les jointoie, ainsi qu’on peut le remarquer dans presque tous les édifices modernes. Dans ceux qui méritent quelqu’attention, on se sert au contraire de lames de plomb E, fig. 19, ainsi qu’on l’a pratiqué au péristile du Louvre, aux châteaux de Clagny, de Maisons & autres.

Quoique l’épaisseur des murs de face doive différer selon leur hauteur, cependant on leur donne communément deux piés d’épaisseur, sur dix toises de hauteur, ayant soin de leur donner six lignes par toise de talut ou de retraite en dehors A, fig. 20, & de les faire à plomb par le dedans B. Si on observe aussi des retraites en dedans B, fig. 21, il faut faire en sorte que l’axe CD du mur se trouve dans le milieu des fondemens.

La hauteur de ces murs n’est pas la seule raison qui doit déterminer leur épaisseur ; les différens poids qu’ils ont à porter doivent y entrer pour beaucoup, tels que celui des planchers, des combles, la poussée des arcades, des portes & des croisées ; les scellemens des poutres, des solives, sablieres, corbeaux, &c. raison pour laquelle on doit donner des épaisseurs différentes aux murs de même espece.

Les angles d’un bâtiment doivent être non-seulement élevés en pierre dure, comme nous l’avons vû, mais aussi doivent avoir une plus grande épaisseur, à cause de la poussée des voûtes, des planchers, des croupes & des combles ; irrégularité qui se corrige aisément à l’extérieur par des avant-corps qui font partie de l’ordonnance du bâtiment, & dans l’intérieur par des revétissemens de lambris.

L’épaisseur des murs de refend doit aussi différer selon la longueur & la grosseur des pieces de bois qu’ils doivent porter, sur-tout lorsqu’ils séparent des grandes pieces d’appartement, lorsqu’ils servent de cage à des escaliers, où les voûtes & le mouvement continuel des rampes exigent une épaisseur relative à leurs poussées, ou enfin lorsqu’ils contiennent dans leur épaisseur plusieurs tuyaux de cheminées qui montent de fond, seulement séparés par des languettes de trois ou quatre pouces d’épaisseur.

Tous ces murs se payent à la toise superficielle, selon leur épaisseur.

Les murs en pierre dure se payent depuis 3 liv. jusqu’à 4 liv. le pouce d’épaisseur. Lorsqu’il n’y a qu’un parement, il se paye depuis 12 liv. jusqu’à 16 livres ; lorsqu’il y en a deux, le premier se paye depuis 12 jusqu’à 16 livres, & le second depuis 10 livres jusqu’à 12 livres.

Les murs en pierre tendre se payent depuis 2 liv. 10 sols jusqu’à 3 liv. 10 sols le pouce d’épaisseur. Lorsqu’il n’y a qu’un parement, il se paye depuis 3 liv. 10 sols jusqu’à 4 liv. 10 sols. Lorsqu’il y en a deux, le premier se paye depuis 3 liv. 10 sols jusqu’à