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liais, & en a le même grain. Mais il est nécessaire de moyer cette pierre de quatre pouces d’épaisseur par dessus, à cause de l’inégalité de sa dureté : ce qui la réduit à quinze ou seize pouces, nette & taillée.

La pierre de montesson se tire des carrieres proche Nanterre, & porte neuf à dix pouces de hauteur de banc. Cette pierre est fort blanche, & d’un très-beau grain. On en fait des vases, balustres, entrelas, & autres ouvrages des plus délicats.

La pierre de Fécamp se tire des carrieres de la vallée de ce nom, & porte depuis quinze jusqu’à dix-huit pouces de hauteur de banc. Cette pierre qui est très-dure, se fend & se feuillette à la gelée, lorsqu’elle n’a pas encore jetté toute son eau de carriere. C’est pourquoi on ne l’emploie que depuis le mois de Mars jusqu’au mois de Septembre, après avoir long-tems séché sur la carriere : celle que l’on tiroit autrefois étoit beaucoup meilleure.

La pierre dure de saint-Leu se tire sur les côtes de la montagne d’Arcueil.

La pierre de lambourde, ou seulement la lambourde, se tire près d’Arcueil, & porte depuis dix-huit pouces jusqu’à cinq piés de hauteur de banc. Cette pierre se délite[1], parce qu’on ne l’emploie pas de cette hauteur. La meilleure est la plus blanche, & celle qui résiste au fardeau autant que le Saint-Leu.

On tire encore des carrieres du fauxbourg saint Jacques & de celles de Bagneux, de la lambourde depuis dix-huit pouces jusqu’à deux piés de hauteur de banc. Il y en a de deux especes : l’une est graveleuse & se mouline à la lune ; l’autre est verte, se feuillette, & ne peut résister à la gelée.

La pierre de Saint Maur qui se tire des carrieres du village de ce nom, est fort dure, résiste très-bien au fardeau & aux injures des tems. Mais le banc de cette pierre est fort inégal, & les quartiers ne sont pas si grands que ceux d’Arcueil : cependant on en a tiré autrefois beaucoup, & le château en est bâti.

La pierre de Vitry qui se tire des carrieres de ce nom, est de même espece.

La pierre de Passy dont on tiroit autrefois beaucoup des carrieres de ce nom, est fort inégale en qualité & en hauteur de banc. Ces pierres sont beaucoup plus propres à faire du moilon & des libages que de la pierre de taille.

La pierre que l’on tire des carrieres du fauxbourg Saint Marceau, n’est pas si bonne que celle des carrieres de Vaugirard.

Toutes les pierres dont nous venons de parler se vendent au pié-cube, depuis 10 sols jusqu’à 50, quelquefois 3 livres ; & augmentent ou diminuent de prix, selon la quantité des édifices que l’on bâtit.

La pierre de Senlis se tire des carrieres de S. Nicolas, près Senlis, à dix lieues de Paris, & porte depuis douze jusqu’à seize pouces de hauteur de banc ; cette pierre est aussi appellée liais. Elle est très-blanche, dure & pleine, très-propre aux plus beaux ouvrages d’Architecture & de Sculpture. Elle arrive à Paris par la riviere d’Oise, qui se décharge dans la Seine.

La pierre de Vernon à douze lieues de Paris, en Normandie, qui porte depuis deux piés jusqu’à trois piés de hauteur de banc, est aussi dure & aussi blanche que celle de S. Cloud. Elle est un peu difficile à tailler, à cause des cailloux dont elle est composée ; on en fait cependant plusieurs usages, mais principalement pour des figures.

La pierre de Tonnerre à trente lieues de Paris, en

Champagne, qui porte depuis seize jusqu’à dix-huit pouces de hauteur de banc, est plus tendre, plus blanche, & aussi pleine que le liais ; on ne s’en sert à cause de sa cherté, que pour des vases, termes, figures, colonnes, retables d’autels, tombeaux & autres ouvrages de cette espece. Toute la fontaine de Grenelle, ainsi que les ornemens, les statues du chœur de S. Sulpice, & beaucoup d’autres ouvrages de cette nature, sont faits de cette pierre.

La pierre de meuliere ainsi appellée, parce qu’elle est de même espece à peu près, que celles dont ont fait des meules de moulins, est une pierre grise, fort dure & poreuse, à laquelle le mortier s’attache beaucoup mieux qu’à toutes autres pierres pleines, étant composée d’un grand nombre de cavités. C’est de toutes les mâçonneries la meilleure que l’on puisse jamais faire, sur-tout lorsque le mortier est bon, & qu’on lui donne le tems nécessaire pour sécher, à cause de la grande quantité qui entre dans les pores de cette pierre : raison pour laquelle les murs qui en sont faits sont sujets à tasser beaucoup plus que d’autres. On s’en sert aux environs de Paris, comme à Versailles, & ailleurs.

La pierre fusiliere est une pierre dure & seche, qui tient de la nature du caillou : une partie du pont Notre-Dame en est bâti. Il y en a d’autre qui est grise ; d’autre encore plus petite que l’on nomme pierre à fusil, elle est noire, & sert à paver les terrasses & les bassins de fontaines ; on s’en sert en Normandie pour la construction des bâtimens.

Le grais est une espece de pierre ou roche qui se trouve en beaucoup d’endroits, & qui n’ayant point de lit, se débite sur tous sens & par carreaux, de telle grandeur & grosseur que l’ouvrage le demande. Mais les plus ordinaires sont de deux piés de long, sur un pié de hauteur & d’épaisseur. Il y en a de deux especes ; l’une tendre, & l’autre dure. La premiere sert à la construction des bâtimens, & sur-tout des ouvrages rustiques, comme cascades, grottes, fontaines, reservoirs, aqueducs, &c. tel qu’il s’en voit à Vaux-le-vicomte & ailleurs. Le plus beau & le meilleur est le plus blanc, sans fil, d’une dureté & d’une couleur égale. Quoiqu’il soit d’un grand poids, & que les membres d’architecture & de sculpture s’y taillent difficilement, malgré les ouvrages que l’on en voit, qui sont faits avec beaucoup d’adresse ; cependant la nécessité contraint quelquefois de s’en servir pour la construction des grands édifices, comme à Fontainebleau, & fort loin aux environs ; ses paremens doivent être piqués, ne pouvant être lissés proprement, qu’avec beaucoup de tems.

Le grais dans son principe, étant composé de grains de sable unis ensemble & attachés successivement les uns aux autres, pour se former par la suite des tems un bloc ; il est évident que sa constitution aride exige, lors de la construction, un mortier composé de chaux & de ciment, & non de sable ; parce qu’alors les différentes parties anguleuses du ciment, s’insinuant dans le grais avec une forte adhérence, unissent si bien par le secours de la chaux, toutes les parties de ce fossile, qu’ils ne font pour ainsi dire qu’un tout : ce qui rend cette construction indissoluble, & très-capable de résister aux injures des tems. Le pont de Ponts-sur-Yonne en est une preuve ; les arches ont soixante-douze piés de largeur, l’arc est surbaissé, & les voussoirs de plus de quatre piés de long chacun, ont été enduits de chaux & de ciment, & non de sable : il faut cependant avoir soin de former des cavités en zigzag dans les lits de cette pierre, afin que le ciment puisse y entrer en plus grande quantité, & n’être pas sujet à se sécher trop promptement par

  1. Déliter une pierre, c’est la moyer ou la fendre par sa moye, ou par des parties tendres qui suivent le lit de la pierre.