Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 9.djvu/815

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore pierre blanche ou craye, celle qui est employée aux mêmes usages : la meilleure vient de Champagne.

Pierre d’appui, ou seulement appui, celle qui étant placée dans le tableau inférieur d’une croisée, sert à s’appuyer.

Auge, du latin lavatrina, une pierre placée dans des basses-cours, pour servir d’abreuvoir aux animaux domestiques.

Seuil, du latin limen, celle qui est posée au rez-de-chaussée, dont la longueur traverse la porte, & qui formant une espece de feuillure, sert de battement à la traverse inférieure du chassis de la porte de menuiserie.

Borne, celle qui a ordinairement la forme d’un cône de deux ou trois piés de hauteur, tronqué dans son sommet, & qui se place dans l’angle d’un pavillon, d’un avant-corps, ou dans celui d’un piédroit de porte cochere, ou de remise, ou le long d’un mur, pour en éloigner les voitures, & empêcher que les moyeux ne les écorchent & ne les fassent éclater.

Banc, celle qui est placée dans des cours, basses-cours, où à la principale porte des grands hôtels, pour servir de siege aux domestiques, ou dans un jardin, à ceux qui s’y promenent.

Des libages. Les libages sont de gros moilons ou quartiers de pierre rustique & malfaite, de quatre, cinq, six, & quelquefois sept à la voie, qui ne peuvent être fournis à la toise par le carrier, & que l’on ne peut équarrir que grossierement, à cause de leur dureté, provenant le plus souvent du ciel des carrieres, ou d’un banc trop mince. La qualité des libages est proportionnée à celle de la pierre des différentes carrieres d’où on les tire : on ne s’en sert que pour les garnis, fondations, & autres ouvrages de cette espece. On emploie encore en libage les pierres de taille qui ont été coupées, ainsi que celles qui proviennent des démolitions, & qui ne peuvent plus servit.

On appelle quartier de pierre, lorsqu’il n’y on a qu’un à la voie.

Carreaux de pierre, lorsqu’il y en a deux ou trois.

Libage, lorsqu’il y en a quatre, cinq, six, & quelquefois sept à la voie.

Du moilon. Le moilon, du latin mollis. que Vitruve appelle cæmentum, n’étant autre chose que l’éclat de la pierre, en est par conséquent la partie la plus tendre : il provient aussi quelquefois d’un banc trop mince. Si qualité principale est d’être bien équarri & bien gissant, parce qu’alors il a plus de lit, & consomme moins de mortier ou de plâtre.

Le meilleur est celui que l’on tire des carrieres d’Arcueil. La qualité des autres est proportionnée à la pierre des carrieres dont on le tire, ainsi que celui du faubourg saint Jacques, du fauboug saint Marceau, de Vaugirard, & autres.

On l’emploie de quatre manieres différentes ; la premiere qu’on appelle en moilon de plat, est de le poser horisontalement sur son lit, & en liaison dans la construction des murs mitoyens, de refend & autres de cette espece élevés d’aplomb. La seconde qu’on appelle en moilon d’appareil, & dont le parement est apparent, exige qu’il soit bien équarri, à vives arrêtes, comme la pierre, piqué proprement, de hauteur, & de largeur égale, & bien posé de niveau, & en liaison dans la construction des murs de face, de terrasse, &c. La troisieme qu’en appelle en moilon de coupe, est de le poser sur son champ[1] dans la construction des voutes. La quatrieme qu’on appelle en moilon piqué, est après l’avoir équarri & ébouriné, de le piquer sur son parement avec la

pointe du marteau, fig. 91, pour la construction des voûtes des caves, murs de basses-cours, de clôture, de puits, &c.

Du moilon selon ses façons. On appelle moilon blanc, chez les ouvriers, un platras, & non un moilon ; ce qui est un défaut dans la construction.

Moilon esmillé, celui qui est grossierement équarri, & ébouziné avec la hachette, fig. 106, à l’usage des murs de parcs de jardin, & autres de peu d’importance.

Moilon bourru ou de blocage, celui qui est trop mal-fait & trop dur pour être équarri, & que l’on emploie dans les fondations, ou dans l’intérieur des murs, tel qu’il est sorti de la carriere.

Le moilon de roche, dit de meuliere, est de cette derniere espece.

Toutes ces especes de moilons se livrent à l’entrepreneur à la voie ou à la toise, & dans ce dernier cas l’entrepreneur se charge du toisé.

Du marbre en général. Le marbre, du latin marmor, dérivé du grec μαρμαίρειν, reluire, à cause du poli qu’il reçoit, est une espece de pierre de roche extrèmement dure, qui porte le nom des différentes provinces où sont les carrieres dont on le tire. Il s’en trouve de plusieurs couleurs ; les uns sont blancs ou noirs, d’autres sont variés ou mêlés de taches, veines, mouches, ondes & nuages, différemment colorés ; les uns & les autres sont opaques, le blanc seul est transparent, lorsqu’il est débité par tranches minces. Aussi M. Félibien rapporte-t-il que les anciens s’en servoient au lieu de verre pour les croisées des bains, étuves & autres lieux qu’on vouloit garantir du froid ; & qu’à Florence, il y avoit une église très-bien éclairée, dont les croisées en étoient garnies.

Le marbre se divise en deux especes ; l’une qu’on appelle antique, & l’autre moderne : par marbre antique, l’on comprend ceux dont les carrieres sont épuisées, perdues ou inaccessibles, & que nous ne connoissons que par les ouvrages des anciens : par marbres modernes, l’on comprend ceux dont on se sert actuellement dans les bâtimens, & dont les carrieres sont encore existantes. On ne l’emploie le plus communément, à cause de sa cheretée, que par revêtissement ou incrustation, étant rare que l’on en fasse usage en bloc, à l’exception des vases, figures, colonnes & autres ouvrages de cette espece. Il se trouve d’assez beaux exemples de l’emploi de cette matiere dans la décoration intérieure & extérieure des châteaux de Versailles, Trianon, Marly, Sceaux, &c. ainsi que dans les différens bosquets de leurs jardins.

Quoique la diversité des marbres soit infinie, on les réduit cependant à deux especes ; l’une que l’on nomme veiné, & l’autre breche ; celui-ci n’étant autre chose qu’un amas de petits cailloux de différente couleur fortement unis ensemble, de maniere que lorsqu’il se casse, il s’en forme autant de breches qui lui ont fait donner ce nom.

Des marbres antiques. Le marbre antique, dont les carrieres étoient dans la Grece, & dont on voit encore de si belles statues en Italie, est absolument inconnu aujourd’hui ; à son défaut on se sert de celui de Carrare.

Le lapis est estimé le plus beau de tous les marbres antiques ; sa couleur est d’un bleu foncé, moucheté d’un autre bleu plus clair, tirant sur le céleste, & entremêlé de quelque veines d’or. On ne s’en sert, a cause de sa rareté, que par incrustation, tel qu’on en voit quelques pieces de rapport à plusieurs tables dans les appartemens de Trianon & de Marly.

Le porphyre, du grec πορφύρα, pourpre, passe pour le plus dur de tous les marbres antiques, &, après le lapis, pour un des plus beaux ; il se tiroit

  1. Le champ d’une pierre platte, est la surface la plus mince & la plus petite.