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pu, malgré son nom, qui semble l’élever au-dessus de toutes les autres divinités, & les divers attributs qui lui sont donnés dans le monument de Palmyre, & qui soutiennent ses prérogatives ; que ces MM. dis-je, ayent pu le postposer en quelque sorte à Aglibelus ; faire de celui-ci le soleil, & de Malachbelus la lune. Malachbelus est composé de deux mots : malac, moloch ou molech, suivant les divers dialectes, signifie roi, belus, ou bahal vient de dominer, être maître : ainsi Malachbelus est un roi dominateur & maître ; ce qui nous donne l’idée d’un être suprême, du plus grand des dieux : aussi il paroît dans le monument palmyrénien, avec un éclat & une distinction particuliere, vêtu d’un habillement militaire, le manteau royal sur les épaules, la tête couronnée ; cette couronne radiale marque l’éclat du soleil dans son midi ; & s’il a derriere lui un croissant, dont les deux cornes débordent des deux côtés, c’est pour marquer l’empire que le soleil a sur la lune, qu’il fait disparoître par sa présence.

Au reste, Aglibolus occupant la droite dans ce monument, nommé avant Malachbelus dans l’inscription, justifie encore notre opinion, parce que le point du jour précede le midi. Le pin, ou plutôt le palmier qui est entre les deux figures, nous fait connoître que le dévot palmyrénien vivoit à la campagne, ou du moins s’intéressoit à l’agriculture, & qu’implorant le secours des dieux pour sa conservation, & celle de sa famille, il s’adressoit à ceux qui influoient le plus sur la fertilité de la terre.

C’est à ces divinités syriennes que nous devons rapporter le surnom du dernier empereur romain de la famille des Antonins ; il s’appelloit Marc-Aurele Antoninus Varius, surnommé Elagabale, parce qu’il avoit été sacrificateur de ce dieu, dont les divers auteurs écrivent le nom avec quelques petites différences ; les uns, comme Herodianus, Alagabalus ; d’autres, comme Capitolinus, Elagabalus ; quelques-uns, comme Lampridius, Helæogabalus ; mais les Grecs & les Latins, pour l’ordinaire, Heliogabalus.

Le mot de Bahal paroissant dans ces divers noms, c’est de l’intelligence de ce mot que dépend la connoissance de ces divinités, & de Malachbelus en particulier. Il n’y a pas de faux dieu plus célebre dans l’Ecriture-sainte que Bahal ; c’est qu’il étoit, sans doute, l’un des principaux objets de la religion des peuples qu’avoient dépossédés les Hébreux, ou des Hordes qui avoisinoient la Palestine. C’est sur-tout dans l’histoire de Gédéon qu’il est extrêmement parlé de Bahal. Juges, 5. v. 25. Gedéon démolit son autel, & coupa le boccage qui étoit auprès ; les gens du lieu s’en mirent fort en colere, & voulurent le faire mourir ; mais Joas, pere de Gédéon, le défendit ; & plus philosophe qu’on ne l’étoit dans ce tems-là, & qu’on ne l’a été depuis, il dit fort judicieusement : Si Baal est un dieu, qu’il prenne la cause pour lui-même, de ce qu’on a démoli son autel. Et il l’appella du nom de son fils, Jetabbahal, qui signifie, que Bahal prenne querelle, ou qu’il plaide & dispute : & c’est sans doute là le Jerombahal duquel le fameux Sanchoniaton dit avoir emprunté une partie des choses qu’il rapporte, παρὰ τοῦ ἱερομϐάλου ἱερέως Θεοῦ τοῦ ἰευώ, ou selon Porphire. ἰαὼ, Jézabel, femme de l’impie Achab, roi d’Israël, & fille d’Ethbahal, roi des Sydoniens, apporta avec elle à Samarie, le culte de Bahal, & sut persuader à son époux de le préférer à celui de l’Eternel, I. liv. des Rois, chap. xviij. v. 4. dont tous les prophetes furent exterminés, à la réserve d’Elie, & de cent autres, qu’à l’insçu même de ce grand prophete, qui se croyoit seul en Israël, le pieux Abdias (v. 22.) avoit cachés dans deux cavernes, & qui échapperent ainsi à la fureur d’Achab & de Jézabel. Au reste, ce couple impie détruisoit d’un côté pour édifier de l’autre ; car ils consacrerent plus de 450 pro-

phetes au service du nouveau Dieu, & 400 à celui

de ces boccages & hauts lieux qu’avoit fait planter Jézabel. Dans un état aussi petit que Samarie, & dans un tems où l’esprit humain emporté à tous vents de doctrine, se livroit à toute sorte de culte, c’est sans doute consacrer beaucoup trop de ministres aux solemnités & aux mysteres du culte d’un seul Dieu ; mais il faut croire qu’alors ceux qui servoient aux autels, n’étoient pas, comme parmi nous, en pure perte pour la société civile, & que du moins on pouvoit être prophete, & donner des sujets à l’état. Quoi qu’il en soit, ce peuple de prophetes, & la cruelle Jézabel, leur protectrice, furent étrangement humiliés dans le fameux procès qu’ils eurent à soutenir avec Elie, pour savoir qui étoit le vrai Dieu, l’Eternel ou Bahal. Elie demande qu’on assemble (I. liv. des Rois, chap. xviij. v. 19.) les 850 prophetes de Bahal & des boccages, qui mangeoient à la table de Jézabel ; il leur propose de sacrifier des victimes sans feu, (v. 23.) lui, sur un autel qu’il bâtiroit à son Dieu ; eux, sur l’autel de Bahal ; & que celui qui feroit brûler ses victimes, en faisant tomber le feu du ciel pour les consumer, seroit estimé le véritable Dieu. La proposition fut acceptée ; l’enthousiasme s’en mêloit sans doute ; il est rare que le don de prophétie en soit exempt.

I. Rois, xviij. v. 26. Ils prirent donc une jeune génisse qu’on leur donna, & l’apprêterent, & invoquerent le nom de Bahal, depuis le matin jusqu’à midi, disant : Bahal, exauce-nous ; mais il n’y avoit ni voix, ni réponse, & ils sautoient d’outre en outre par-dessus l’autel qu’on avoit fait, &c. &c. Ils crioient donc à haute voix, & se faisoient des incisions avec des couteaux & des lancettes, selon leur coutume, tant que le sang couloit. v. 27. Elie, de son côté, se mocquoit d’eux, & disoit : Criez à haute voix, car il est dieu ; mais il pense à quelque chose, ou il est occupé à quelque affaire, ou il est en voyage ; peut-être qu’il dort, & il se réveillera.

v. 30 & seq. L’Eternel soutint sa cause, & fit glorieusement triompher son prophete, qui avoit imploré avec ardeur son puissant secours. A peine Elie eut-il élevé son autel, qu’après plusieurs ablutions & aspersions réiterées, tant sur la victime, que sur le bois qui devoit lui servir de bûcher, au point que les eaux alloient à l’entour de l’autel, & qu’Elie remplit même le conduit d’eau, le feu de l’Eternel, un feu miraculeux descendit, consuma l’holocauste, le bois, les pierres & la poudre, réduisit tout en cendres, & huma toute l’eau qui étoit au conduit.

Dans une sécheresse des plus extraordinaires, & telle, que, (O tempora ! O mores !) le roi Achab, pour ne pas laisser dépeupler son pays de bêtes, I. Reg. xviij. v. 3. 5. 6. parcouroit ses états à la tête de ses chevaux, ânes & mulets, pour chercher vers les fontaines d’eaux & torrens, de l’herbe pour leur sauver la vie ; son favori, son premier ministre Abdias faisant la même chose de son côté ; dans de telles circonstances, dis-je, l’eau qu’Elie prodiguoit dans ce sacrifice extraordinaire, ne fut sans doute pas ce que les spectateurs regretterent le moins. Il est vrai que le peuple s’étant prosterné, & ayant reconnu, après le sacrifice, l’Eternel pour le seul vrai Dieu, les prophetes de Bahal tous égorgés par l’ordre d’Elie, ce grand prophete obtint de la bonté du Très-Haut une pluie abondante.

II. Reg. cap. xj. v. 17. 18. La malheureuse Athalie, mere de Joas, avoit établi dans Jérusalem le culte du même dieu Bahal ; mais Joas, sous la conduite & par l’ordre du souverain sacrificateur Jehojada, détruisit cette idole, & tout le peuple du pays entra dans la maison de Bahal, & la démolirent, ensemble ses autels, & briserent entierement