Page:Diderot - Le Neveu de Rameau.djvu/117

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lorsque le difficile prendra la place du beau, le singe du violon. Le premier qui joua Locatelli fut l’apôtre de la nouvelle musique. À d’autres, à d’autres ! on nous accoutumera à l’imitation des accents de la passion ou des phénomènes de la nature par le chant et la voix, par l’instrument, car voilà toute l’étendue de l’objet de la musique ; et nous conserverons notre goût pour les vols, les lancés, les gloires, les triomphes, les victoires ? Va-t’en voir s’ils viennent, Jean. Ils ont imaginé qu’ils pleureraient ou riraient à des scènes de tragédie ou de comédie musiquées ; qu’on porterait à leurs oreilles les accents de la fureur, de la haine, de la jalousie, les vraies plaintes de l’amour, les ironies, les plaisanteries du théâtre italien ou français, et qu’ils resteraient admirateurs de Ragonde[1] ou de Platée[2] (je t’en réponds, Tarare, pompon) ; qu’ils éprouveraient sans cesse avec quelle facilité, quelle flexibilité, quelle mollesse, l’harmonie, la prosodie, les ellipses, les inversions de la langue italienne se prêtaient à l’art, au mouvement, à l’expression, aux tours et à la

  1. Opéra de Mouret.
  2. Opéra de Rameau