Page:Dierx - Œuvres complètes, Lemerre, I.djvu/222

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Avec force à la fois la révolte et la honte
Du souvenir navré qui dans le fiel remonte.

- Ah ! Ce jour-là, plutôt qu'un autre, quel espoir
Avait comme un parfum embaumé l'air du soir ?
Quand le soleil fondit dans sa vapeur cuivrée,
Quel écho, m'imposant l'illusion qu'il crée,
M'avait dit : c'est l'aurore ! On t'appelle ! Suis-moi !
Quel nuage avait pris, pour raffermir ma foi,
L'incarnat féminin qu'un sourire illumine ?
Quelle heure de jadis aux fleuraisons d'hermine
Résonna plus vibrante en mon amer passé ?
Quelle ivresse m'avait jusque là-bas poussé ?

Et quand je fus au bout de la trop chère allée
Pleine encor des senteurs de ses cheveux, peuplée
De blancs spectres de robe aux détours des chemins ;
Quand, appuyant ma face à la vitre et mes mains,
Je regardai la salle où mon âme était née
Sous les yeux violets qui l'avaient condamnée,
Qu'espérais-je y revoir, sinon le dur éclair
D'un implacable arrêt qu'on regrave en ma chair ;
Sinon la joie unique et toujours bien formelle
De vivre et d'être jeune, et de se savoir belle,
Et de rire en pensant au mal qu'ont fait ses yeux ?
Certes, les nefs n'ont pas l'aspect religieux
Que me montrait la chambre aux lueurs amorties ;
Et sans doute, entr'ouvrant ses griffes pressenties,
L'ange des maux subits, tout proche, et sans pitié,
Attentif, épiait l'œuvre faite à moitié.