Page:Dierx - Œuvres complètes, Lemerre, I.djvu/68

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Moi, j'ai sucé le rêve aux pointes des mamelles
Que m'offraient au désert les pensives chamelles,
Et, les regards errants et les pas incertains,
Pour les autres je lis au ciel de grands destins,
Ou devine sous eux le prochain précipice.
Or, pour l'homme qui sait agir, l'heure est propice.
Où qu'il soit, qu'il se lève et se hâte, il est temps !
Car la sourde rumeur du gouffre, je l'entends.
Quand le grenier fermente, un grain ardent l'embrase ;
Et tout l'islam est las de l'impôt qui l'écrase !
Qu'un seul se dresse, et tous, du scheick au marabout,
Seront à l'instant même à ses côtés debout !
Au fond de la mosquée, au coin de chaque rue,
Une imprécation monte, sans cesse accrue ;
Et dans le sérail clos en vain d'un triple mur
La tête du sultan est pareille au fruit mûr ! »
Pendant que Nour-Eddour parlait, contre un platane
Qui s'élevait tout près, ombrageant la cabane,
Un homme était penché pour entendre. -la nuit,
Une forme aisément glisse et s'évanouit.
Le lendemain, devant le ciel rouge, à sa porte
Nour-Eddour se tenait assis de même sorte,
Sans mouvement, les yeux pleins de pourpre et d'éclairs.
« Les signes, disait-il, où seul je lis, sont clairs.
Le meurtrier triomphe, acclamé par la foule ;
Mais sur le bras qui frappe et la tête qui roule