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Page:Dieu, par Victor Hugo, 1891.djvu/151

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Je suis la bête à qui ressemble le génie ;
J’ai dans mon œil hagard la lueur infinie ;
Je suis le grand voyant et le grand inquiet.
J’étais près de Moïse alors qu’il s’écriait :
— Ô soleil ! nourricier du monde ! anachorète !
Seul au fond du grand ciel comme en une retraite !
Père de l’aube, roi du jour ; maître du feu,
Écarte tes rayons, que je puisse voir Dieu !
Au pied du Sina sombre, il dit : Qui m’accompagne ?
J’ai dit : moi ! — J’étais là, quand, montant la montagne,
Il s’enfonça, superbe et tremblant a la fois,
Dans le nuage plein de foudres et de voix ;
J’ai suivi le prophète en cette ombre livide...
       sanglots de la mère auprès du berceau vide,
       chaîne de l’esclave, ô sceptre de Néron,
Toi, peste au souffle impur, toi, guerre au fier clairon,
Éperviers qui guettez la caille à sa sortie,
Broussailles de l’horreur, ronce, aconit, ortie,
       Fatalité, spectre à l’œil morne, au pas lent,
Mal, mille pieds hideux sur l’homme fourmillant,
Chimère Obscurité qui traînes tes vertèbres,
Chouette Nuit, crapaud Chaos, taupes Ténèbres,
Vieux ciel noir du néant, suaire du ciel bleu,
Vous mentez, vous mentez, vous mentez, j’ai vu Dieu !
En ce moment l’oiseau suprême et solitaire