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DIODORE DE SICILE.

villes et appris à connaître bien des hommes, » avait aussi beaucoup souffert[1]. Les historiens enseignent la sagesse par le récit des peines et des malheurs d’autrui. Ils essaient de ramener à un même ordre de choses tous les hommes qui, avec une origine commune, ne sont distingués que par la différence des temps et des lieux. Ils se constituent, en quelque sorte, les ministres de la providence divine[2], qui soumet à un principe commun la distribution des astres et la nature des hommes, et qui, tournant dans une sphère éternelle, assigne à chacun leur destin. C’est ainsi qu’ils font de leur science un objet de méditation pratique. Il est bon de profiter de l’exemple d’autrui pour redresser ses propres erreurs, et d’avoir pour guide, dans les hasards de la vie, non la recherche de l’avenir, mais la mémoire du passé. Si, dans les conseils, on préfère l’avis des vieillards à celui des jeunes gens, c’est à l’expérience, qui s’acquiert avec les années, qu’il faut attribuer cette préférence ; or, l’histoire, qui nous procure l’enseignement de tant de siècles, n’est-elle pas encore bien au-dessus de l’expérience individuelle ? on peut donc considérer l’histoire comme la science la plus utile dans toutes les circonstances de la vie : elle donne non-seulement aux jeunes gens l’intelligence du passé, mais encore elle agrandit celle des vieillards. La connaissance de l’histoire rend de simples particuliers dignes du commandement, et, par la perspective d’une gloire immortelle, elle encourage les chefs à entreprendre les plus belles actions. De plus, par les éloges que l’histoire décerne à ceux qui sont morts pour la patrie, elle rend les citoyens plus ardents à la défendre, et, par la menace d’un opprobre éternel, elle détourne les méchants de leurs mauvais desseins.

II. En perpétuant la mémoire du bien, l’histoire a conduit les uns à fonder des villes, les autres à consolider la société par des

  1. Ulysse. Voy. Odyssée, chant Ier, vers 3.
  2. Traduction littérale de θείας προνοίας (theias pronoias). Il est à remarquer que Diodore revient souvent à l’idée d’une providence divine, et qu’il n’attribue pas, à l’exemple de beaucoup d’historiens de ce temps, le gouvernement des choses humaines au hasard ou à une sorte de fatalité inexorable.