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ARISTIPPE.

tres. Ils disent encore que la coutume nous es utile, à cause des défauts de notre disposition. Ils pensent qu’on ne doit pas avoir des amis uniquement pour l’utilité qu’on en peut retirer, en sorte qu’on s’éloigne d’eux lorsqu’on n’a plus d’intérêt à les ménager; mais qu’on doit aussi leur être attaché par l’affection même qu’on a prise pour eux et qui doit porter jusqu’à souffrir pour leur service, en sorte que, quoiqu’on ait le plaisir pour fin et qu’on soit affligé d’en être privé, on supporte cela volontiers par l’affection qu’on a pour ses amis.

Quant aux théodoriens, ils ont pris leur nom de ce Théodore dont nous avons parlé, et ont suivi ses dogmes. Ce philosophe rejeta toutes les opinions qu’on avait des dieux. J’ai lu un ouvrage dont il était auteur, intitulé des Dieux, qui n’est pas à mépriser, et d’où l’on pense qu’Épicure a tiré beaucoup de choses. Antisthène, dans ses Successions des Philosophes, dit que Théodore fut disciple d’Aniceris et de Denys le logicien. Il posait pour fins le plaisir et la tristesse, c’est-à-dire le plaisir qui provient de la sagesse, et la tristesse qui naît de l’ignorance; il appelait la prudence et la justice des biens, les habitudes contraires des maux, et le plaisir et la douleur des sentiments qui tiennent le milieu entre le bien et le mal. Il n’estimait point l’amitié, parcequ’elle n’est ni réelle dans ceux qui manquant de sagesse, et chez qui elle s’éteint, si on leur ôte l’intérêt qu’ils en retirent, ni d’aucun service aux sages, qui se passent d’autant plus aisément d’amis qu’ils se suffisent à eux-mêmes. Il trouvait raisonnable qu’on refusât de se sacrifier pour le salut de ses concitoyens, appelant cela renoncer à la sagesse pour l’avantage des ignorants. Il disait que le monde est notre patrie; que dans l’occasion le sage peut commettre un vol, un adultère, un sacrilège, parcequ’en tout cela il n’y a rien d’odieux, excepté dans l’opinion du vulgaire, à qui on exagère l’énormité de ces actions pour le contenir dans le devoir. Il pensait aussi que le sage peut sans honte avoir ouvertement commerce