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CARNÉADE.

ceux de Chrysippe, il les réfuta avec beaucoup de retenue, avouant même que sans Chrysippe il ne serait pas ce qu’il était. Il aimait l’étude, mais il s’appliquait moins à la physique qu’à la morale. Il était si assidu, qu’il négligeait le soin de son corps, et se laissait croître les ongles et les cheveux. Son habileté dans la philosophie excita même la curiosité des orateurs, qui renvoyaient leurs écoliers pour avoir loisir de l’entendre. Il avait la voix si forte, que le principal du collège le faisait souvent avertir de la modérer; et comme il répondit une fois : Qu’on m’apprenne à la régler, on lui réplique fort bien : Réglez-vous sur l’ouïe de ceux qui vous écoutent. Il était véhément dans ses censures, et disputeur difficile; ce qui faisait qu’il évitait de se trouver à des repas. On lit, dans l’Histoire de Phavorin, qu’un jour il se prit à railler Mentor de Bithynie, qui aimait sa concubine, et se servit de ces termes : « Il y a parmi vous un petit homme vain, lâche, et qui de taille et de voix ressemble parfaitement à Mentor; je veux le chasser de mon école. » A ces mots l’offensé se leva, et répliqua aussitôt: « Mentor et lui se dirent: Levons-nous et partons sur-le-champ[1]. » Il semble qu’il ait témoigné quelque regret de mourir. Il répétait souvent que la nature dissoudrait bien ce qu’elle avait uni, Ayant su qu’Antipater s’était détruit par le poison, il eut envie d’imiter son exemple. Qu’on m’en donne aussi! dit-il. Mais comme on lui demanda ce qu’il souhaitait, il ajouta : Du vin miellé. On dit que, lorsqu’il mourut, il y eut une éclipse de lune, comme si le plus bel astre après le soleil prenait pas à sa mort. Apollodore, dans ses Chroniques, la fixe à la quatrième année de la cent soixante-dixième olympiade, qui fut la quatre-vingt-cinquième de son âge. On a de lui des lettres qu’il a écrites à Ariarathes, roi de Cappadoce; ses disciples ont écrit le reste des ouvrages qu’on lui attribue, lui-même n’en

  1. Parodies d’un vers de Sophocle et d’un vers d’Homère