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PRÉFACE.

point d’apparence de la divinité ; qu’ils croyaient que le monde a eu un commencement ; qu’il est corruptible et de forme orbiculaire ; que les étoiles sont des globes de feu, dont la température produit toutes choses sur la terre ; que la lune s’éclipse lorsqu’elle est ombragée par la terre ; que l’ame continue à subsister, et passe dans un autre corps ; que la pluie est un effet des changements de l’air qui se convertit en eau. Ces opinions, et d’autres semblables sur la nature, leur sont attribuées par Hécatée et Aristagore.

Les Égyptiens établirent aussi sur la justice des lois, dont ils rapportent l’origine à Mercure ; ils décernèrent les honneurs divins aux animaux qui sont utiles à l’homme, et ils s’attribuèrent la gloire d’être les inventeurs de la géométrie, de l’astrologie et de l’arithmétique. Voilà pour ce qui regarde l’origine de la philosophie.

Elle fut nommée de ce nom par Pythagore, qui se qualifia philosophe dans un entretien qu’il eut à Sicyone avec Léonte, prince des Sicyoniens ou Phliasiens. Cela est rapporté par Héraclide de Pont, dans un ouvrage où il parle d’une personne qui avait paru être expirée. Les paroles de Pythagore étaient que « la qualité de sage ne convient à aucun homme, mais à Dieu seul. » C’est qu’autrefois on appelait la philosophie sagesse, et qu’on donnait le nom de sage à celui qui la professait, parcequ’il passait pour être parvenu au plus haut degré de lumière que l’ame puisse recevoir ; au lieu que le nom de philosophe désigne seulement un homme qui embrasse la sagesse. On distingua aussi les sages par le titre de sophistes, titre dont ils ne jouirent pourtant pas seuls, car on le donna aussi aux poëtes. Cratinus, faisant l’éloge d’Homère et d’Hésiode, les appelle sophistes[1]. Au reste, ceux à qui l’on a donné le nom de sages furent Thalès, Solon, Périandre, Cléobule, Chilon, Bias et Pittacus. On range aussi avec eux Anacharsis de Scythie, Myson de Che-

  1. Le terme de sophiste, qui ne se prend plus que dans un mauvais sens, signifiait chez les Grecs un homme éloquent et subtil ; ainsi nous le traduirons toujours par logicien ou rhéteur.