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ZÉNON.


ce sujet, il demanda où se tenaient ces hommes-là. Le hasard voulut que Cratès vint à passer dans ce moment. Le libraire le montra à Zénon, et lui dit : Vous n’avez qu’à suivre celui-là. Depuis lors il devint disciple de Cratès ; mais quoiqu’il fût d’ailleurs propre à la philosophie, il avait trop de modestie pour s’accoutumer au mépris que les philosophes cyniques faisaient de la honte. Cratès, voulant l’en guérir, lui donna à porter un pot de lentilles à la place Céramique. Il remarqua qu’il se couvrait le visage de honte : il cassa d’un coup de son bâton le pot qu’il portait, de sorte que les lentilles se répandirent sur lui. Aussitôt Zénon prit la fuite, et Cratès lui cria : Pourquoi t’enfuis-tu, petit Phénicien ? tu n’as reçu aucun mal. Néanmoins cela fut cause qu’il quitta Cratès quelque temps après.

Ce fut alors qu’il écrivit son Traité de la République, dont quelques uns dirent, en badinant, qu’il l’avait composé sous la queue du chien[1]. Il fit aussi d’autres ouvrages : sur la Vie conforme à la nature ; sur les Inclinations, ou sur la Nature de l’homme ; sur les Passions ; sur le Devoir ; sur la Loi ; sur l’Érudition grecque ; sur la Vue ; sur l’Univers ; sur les Signes ; sur les Sentiments de Pythagore ; sur les Préceptes généraux ; sur la Diction ; cinq Questions sur Homère ; de la Lecture des Poëtes, outre un Art de Solutions, et des Arguments, au nombre de deux Traités ; des Commentaires, et la Morale de Cratès. C’est à quoi se réduisent ses œuvres.

Enfin il quitta Cratès, et fut ensuite, pendant vingt ans, disciple des philosophes dont nous avons parlé ; à propos de quoi on rapporte qu’il dit : « J’arrivai à bon port lorsque je fis naufrage. » D’autres veulent qu’il se soit énoncé en ces termes en l’honneur de Cratès ; d’autres encore, qu’ayant appris le naufrage de ses marchandises pendant qu’il demeurait à Athènes, il dit : « La for-

  1. Selon Mar. Casaubon, c’est une allusion à la constellation du Chien.