Page:Diogène Laërce - Vies, édition Lefèvre,1840.djvu/509

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peut nous laisser toujours quelques rayons d’espérance.

« D’ailleurs, la liberté que nous avons d’agir comme il nous plaît n’admet aucune tyrannie qui la violente, aussi sommes-nous coupables des choses criminelles ; de même que ce n’est qu’à nous qu’appartiennent les louanges que mérite la prudence de notre conduite.

[134] « Il est donc beaucoup plus avantageux de se rendre à l’opinion fabuleuse que le peuple a des dieux, que d’agir, selon quelques physiciens, par la nécessité du destin ; cette pensée ne laisse pas d’imprimer du respect, et l’on espère toujours du succès à ses prières ; mais lorsque l’on s’imagine une certaine nécessité dans l’action, c’est vouloir se jeter dans le désespoir.

« Gardez-vous donc bien d’imiter le vulgaire, qui met la Fortune au nombre des dieux ; la bizarrerie de sa conduite l’éloigne entièrement du caractère de la divinité, qui ne peut rien faire qu’avec ordre et justesse. Ne croyez pas non plus que cette volage contribue en aucune manière aux événements ; le simple peuple s’est bien laissé séduire en faveur de sa puissance ; il ne croit pas néanmoins qu’elle donne directement aux hommes ni les biens ni les maux qui font le malheur ou la félicité de leur vie ; mais qu’elle fait naître seulement les occasions de tout ce qui peut produire les effets.

« Arrachez donc autant qu’il vous sera possible cette pensée de votre esprit, [135] et soyez persuadé qu’il vaut mieux être malheureux sans avoir manqué de prudence que d’être au comble de ses souhaits par une conduite déréglée, à qui néanmoins la fortune a donné du succès ; il est beaucoup plus glorieux d’être redevable à cette même prudence de la grandeur et du bonheur de ses actions, puisque c’est une marque qu’elles sont l’effet de ses réflexions et de ses conseils.

« Ne cessez donc jamais de méditer sur ces choses ; soyez jour et nuit dans la spéculation de tout ce qui les regarde, soit que vous soyez seul, ou avec quelqu’un qui ait du rapport avec vous : c’est le moyen d’avoir un sommeil tranquille, d’exercer dans le calme toutes vos facultés et de vivre comme un dieu parmi les mortels. Celui-là est plus qu’un homme, qui jouit pendant la vie des mêmes biens qui font le bonheur de la divinité. »

Je ne dis point ici qu’Épicure, dans beaucoup de lieux de