Page:Diogène Laërce - Vies, édition Lefèvre,1840.djvu/87

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humeur insupportable de sa femme, Socrate lui dit : Je suis accoutumé à ces vacarmes comme on se fait à entendre le bruit d’une poulie ; et vous qui parlez de ma femme, ne supportez-vous pas les cris de vos oies ? — Oui, dit Alcibiade, mais elles me pondent des œufs et en font éclore des petits. — Et Xantippe, reprit Socrate, me donne des enfants. Un jour ses amis lui conseillaient de la frapper, pour lui avoir coupé son habit en plein marché : Quel conseil me donnez-vous là ? dit Socrate. C’est donc pour rendre tout le monde témoin de nos querelles, et pour que vous-même nous excitiez et nous disiez : Courage, Socrate ! courage, Xantippe ! Il disait qu’il fallait tirer parti des méchantes femmes comme les écuyers font des chevaux ombrageux : que comme après en avoir dompté de difficiles ils viennent plus aisément à bout de ceux qui sont souples, de même, si lui savait vivre avec Xantippe, il aurait moins de peine à se faire au commerce des hommes.

Toutes ces maximes, qu’il proposait et qu’il confirmait par son exemple, furent cause que la pythonisse loua sa conduite, et rendit à Chéréphont cet oracle connu :

De tous les hommes, Socrate est le plus sage.

Cet oracle excita la jalousie contre lui, comme si tous ceux qui avaient bonne opinion d’eux-mêmes étaient accusés par là de manquer de sagesse. Platon, dans son Ménon, met Anytus au nombre des envieux de Socrate. Comme il ne pouvait souffrir que Socrate se moquât de lui, il indisposa d’abord Aristophane contre lui ; ensuite il suborna Mélitus, qui l’accusa devant les juges d’être un impie et de corrompre la jeunesse.

Phavorin, dans son Histoire diverse, rapporte que Polyeucte plaida le procès. Hermippe dit que Polycrate, le sophiste, dressa la harangue ; d’autres veulent que ce fut Anytus, mais que l’orateur Lycon prépara le tout.

Au reste, Anthistène, dans la Succession des Philosophes, et Platon, dans son Apologie, nomment trois accusateurs de Socrate, Anytus, Lycon, et Mélite ; le premier agissant