Page:Diogène Laërce - Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, trad. Zévort.djvu/118

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Aristippe savait se faire aux temps, aux lieux et aux personnes ; il était l’homme de toutes les situations. Aussi Denys avait-il pour lui une affection toute particulière, parce qu’il s’accommodait de tout, prenant le plaisir quand il se présentait, sans se donner jamais la peine de le poursuivre. Diogène l’appelle pour cette raison le chien royal. Timon le déchire de son côté, à l’endroit de la gourmandise :

Semblable à l’efféminé Aristippe, qui au toucher distinguait les bonnes choses des mauvaises.

On dit qu’il fit un jour acheter une perdrix cinquante drachmes. Quelqu’un lui ayant reproché cette prodigalité, il lui dit : « Et toi, ne l’aurais-tu pas payée une obole ? — Oui, sans doute. — Eh bien, cinquante drachmes ne sont pas plus pour moi. »

Une autre fois Denys lui fit amener trois courtisanes et lui permit d’en choisir une. Il les prit toutes les trois en disant : « Pâris ne s’est pas bien trouvé d’avoir fait un choix. » Mais aussi prompt à dédaigner le plaisir qu’ardent à jouir, il les congédia dès qu’il fut à la porte.

On rapporte que Straton (Platon selon d’autres) lui disait, à propos de cette mobilité de caractère : « Il n’y a que toi pour porter également bien la pourpre et les haillons. »

Denys lui ayant craché au visage, il ne s’en émut aucunement ; on lui en fit un reproche : « Comment ! dit-il, les pêcheurs s’exposent volontairement à être inondés d’eau de mer pour prendre un goujon, et moi, pour prendre une flèche[1], je ne me laisserais pas mouiller d’un peu d’eau et de vin ! »

  1. Gros poisson.