Page:Diogène Laërce - Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, trad. Zévort.djvu/151

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et lui reprochait de se mêler des affaires de la ville, il le fit enfermer ; mais, de sa prison même, Cratès le guettait, et, quand il passait, se dressant sur les pieds[1], il l’appelait nouvel Agamemnon, roi de la ville[2].

Ménédème était enclin à la superstition : se trouvant un jour dans une auberge avec son ami, il mangea sans le savoir de la chair d’une bête morte d’elle-même ; lorsqu’il l’eut appris il pâlit et fut pris de nausées ; mais Asclépiade le reprit de sa faiblesse et le rassura en lui disant que ce n’était pas la viande qui lui faisait mal, mais l’idée qu’il s’en formait. À cela près, Ménédème avait l’âme grande et généreuse. Quant au corps, il était si fortement constitué que, vieux déjà, il avait toute la vigueur d’un athlète, le teint basané, de l’embonpoint et de la fraîcheur. Il était de taille moyenne ; témoin sa statue que l’on voit encore dans l’ancien stade d’Érétrie ; elle est presque nue, à dessein sans doute, pour laisser voir la plus grande partie de son corps. Il aimait à recevoir ses amis, et comme le climat d’Êrétrie était malsain, il donnait de fréquents repas où il réunissait des poëtes et des musiciens. Il aimait beaucoup Aratus, Lycophron le tragique et Antagoras de Rhodes ; mais de tous les auteurs, celui qu’il admirait le plus, était Homère ; venaient ensuite les lyriques, puis Sophocle et Achéus, auquel il accordait le second rang dans le drame satyrique, réservant le premier pour Eschyle. C’est à Achéus, dans le drame satyrique d’Omphale, qu’il avait emprunté ces vers qu’il adressait à ses adversaires politiques :

L’animal le plus léger fut vaincu par le plus lourd :
La tortue devança l’aigle.

  1. Ménédème était de taille moyenne.
  2. Ἡγησίπολιν, par allusion à ἡγησίλαον, « conducteur des peuples. »