Page:Diogène Laërce - Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, trad. Zévort.djvu/211

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son visage : sa voix même ne trahissait jamais aucune émotion, et c’est là ce qui lui gagna Crantor. Un chien lui ayant un jour déchiré le mollet, il ne pâlit même pas. Une autre fois, une sédition s’étant élevée dans la ville, il demanda tranquillement ce qui se passait et resta indifférent. Il n’était pas moins impassible au théâtre : Nicostrate, celui qu’on appelait Clytemnestre, ayant récité une composition poétique devant lui et devant Cratès, ce dernier fut vivement ému ; mais Polémon demeura comme s’il n’avait rien entendu. En un mot, il possédait au plus haut degré les qualités que réclame Mélanthius le peintre, dans le traité de la Peinture. Il dit en effet qu’il doit y avoir dans les œuvres d’art, aussi bien que dans les mœurs, une certaine rigidité, une certaine dureté de touche.

Polémon prétendait qu’il faut s’exercer à l’action et non aux spéculations dialectiques : il disait que, quand on est devenu habile dans ce dernier art, quand on a pris ce breuvage agréable, mais tout factice, on peut bien briller dans la discussion, mais non mettre de l’harmonie dans sa conduite et dans son caractère. Il était affable, généreux, et évitait ce qu’Aristophane reproche à Euripide : « Un discours parfumé et musqué[1], » ce qui n’est, suivant le même auteur,

Qu’une chair flasque et mollasse, au prix d’un bon morceau succulent[2].

Il ne discutait jamais assis, mais répondait en se promenant aux questions qu’on lui adressait. La no-

  1. Le texte dit : « au vinaigre et au laser, » substances que l’on employait dans la préparation des onguents.
  2. Il y a ici une grossièreté qui est déjà peut-être trop transparente dans la traduction.