Page:Diogène Laërce - Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, trad. Zévort.djvu/216

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Soles, sa patrie. Le poëte Théétète a fait son éloge en ces termes :

Chéri des hommes, mais plus cher encore aux Muses,
Crantor n’a pas connu la vieillesse.
Ô terre, reçois cet homme divin après sa mort,
Et que même ici il vive en paix.

Homère et Euripide étaient ses poëtes favoris. Il disait que la chose la plus difficile dans un ouvrage, c’est d’être tragique et d’exciter la pitié sans sortir du naturel. Il citait avec complaisance ce vers de Bellérophon :

Malheureux que je suis ! Mais pourquoi me plaindre ? Mes maux sont inhérents à la nature humaine.

On a attribué à Crantor les vers suivants du poëte Antagoras, sur l’amour :

Mon esprit incertain ne sait que décider : Amour, quelle est ton origine ? Es-tu le premier des dieux immortels, de ces dieux qu’autrefois l’Erèbe et la Nuit toute-puissante engendrèrent sur les flots du vaste Océan ? Es-tu le fils de la sage Cypris, de la terre ou des vents ? Tu parcours le monde, portant aux hommes et les maux et les biens ; ton corps lui-même a une double forme.

Crantor avait une grande originalité de langage et excellait dans l’invention des termes : ainsi il disait d’un auteur tragique que sa voix, mal rabotée, était encore couverte d’écorce ; que les vers d’un poëte étaient pleins d’étoupes, et que les Questions de Théophraste étaient écrites sur des coquilles d’huîtres. On admire surtout son traité de la Douleur. Il mourut d’une hydropisie, avant Polémon et Cratès. J’ai fait sur lui ces vers :

Ô Crantor, une terrible maladie a inondé ton corps et t’a