Page:Diogène Laërce - Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, trad. Zévort.djvu/234

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avec beaucoup d’à-propos : « Tu l’as, ce régulateur, dans tes auditeurs. » Il était vif et pressé dans ses argumentations, invincible dans la discussion. Jamais il n’acceptait une invitation à dîner, par les raisons que nous avons indiquées plus haut[1]. Phavorinus rapporte dans les Histoires diverses, qu’ayant remarqué que Mentor de Bithynie, l’un de ses disciples, aimait sa propre maîtresse, il lui lança, tout en discourant, cette parodie :

Ici habite un certain vieillard bouffi de vanité[2],
Qui pour l’extérieur et la voix ressemble à Mentor[3] ;
J’ordonne qu’on le chasse de cette école[4].

Mentor se leva, et reprit :

Ils dirent, et ceux-ci se levèrent à l’instant.

Il ne paraît pas avoir envisagé la mort avec beaucoup de fermeté ; sans cesse on l’entendait répéter : « Ce que la nature a établi, elle le détruira. » Lorsqu’il apprit qu’Antipater avait mis fin à sa vie par le poison, il eut envie d’imiter son courage, et s’écria : « Donnez-m’en aussi. — Quoi ? lui dit-on. — Du vin miellé, répondit-il. » On dit que lorsqu’il mourut il y eut une éclipse de lune, comme si l’astre qu’on proclame le plus beau après le soleil eût voulu pour ainsi dire prendre part à sa mort. Apollodore rapporte dans les Chroniques qu’il mourut la quatrième année de la cent soixante-deuxième olympiade, à l’âge de quatre-vingt-cinq ans. On a de lui des lettres à Ariarathe, roi

  1. Son amour de l’étude.
  2. Ἅλιος signifie en même temps maritime et vain. Homère (Odyss., I, 349) le prend dans le premier sens.
  3. Odyss., II, 401.
  4. Soph., Antig., v. 203.