Page:Diogène Laërce - Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, trad. Zévort.djvu/342

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Il finit par quitter Cratès, et suivit pendant vingt ans les philosophes dont nous avons parlé. On rapporte qu’il disait lui-même en faisant allusion à leurs enseignements : « Le naufrage m’a conduit au port. » D’autres soutiennent qu’en disant cela, c’est Cratès qu’il avait en vue. D’après une autre version, il était à Athènes lorsqu’on lui annonça la perte de son vaisseau, et se serait écrié en recevant cette nouvelle : « Bénie soit la fortune qui me pousse à la philosophie ! » On a aussi prétendu qu’il ne s’était adonné à la philosophie qu’après avoir vendu sa cargaison. Il enseignait en se promenant sous un portique appelé Pisanactium et aussi Pœcile[1], à cause des peintures dont l’avait enrichi Polygnote. Il voulait, disait-il, en faire désormais un lieu de calme et de paix ; car plus de quatorze cents citoyens y avaient été égorgés sous la domination des Trente. Ses disciples s’assemblaient sous ce portique pour l’entendre, et c’est là ce qui leur a fait donner le nom de stoïciens, qui a passé aux héritiers de leurs doctrines. À l’origine, on les appelait zénoniens, comme cela résulte des lettres d’Épicure. Ératosthène dit, au huitième livre de la Comédie ancienne, que le nom de stoïciens n’était pas nouveau, et qu’on le donnait auparavant aux poëtes qui s’assemblaient dans le même lieu ; les disciples de Zénon ne firent que lui donner un nouvel éclat.

Les Athéniens avaient pour Zénon une si haute estime que, non contents de lui confier les clefs de leur ville, ils lui décernèrent une couronne d’or et lui élevèrent une statue. Ses compatriotes en firent autant, persuadés que la statue d’un tel homme ne pouvait que leur faire honneur, et ceux de ses concitoyens

  1. C’est-à-dire « varié. »