Page:Diogène Laërce - Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, trad. Zévort.djvu/562

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Le mot incorporel se prend dans sa véritable acception pour exprimer ce qui en soi est conçu comme tel ; or, rien ne peut être conçu en soi comme incorporel, que le vide ; mais le vide ne peut être ni passif ni actif ; il est seulement la condition et le lieu du mouvement ; donc ceux qui prétendent que l’âme est incorporelle prononcent des mots vides de sens ; car, si elle avait ce caractère, elle ne pourrait ni produire, ni recevoir aucune action, et nous voyons clairement au contraire qu’elle a cette double faculté.

Qu’on applique donc tous ces raisonnements aux affections et aux sensations, en se rappelant les idées que nous avons posées en commençant, et on verra clairement que ces principes généraux renferment une solution exacte de tous les cas particuliers.

Quant aux formes, aux couleurs, aux grandeurs, à la pesanteur et aux autres qualités que l’on considère comme des attributs, soit de tous les corps, soit seulement des corps visibles et perçus par la sensation, voici sous quel point de vue on doit les considérer : ce ne sont pas des substances particulières, ayant une existence propre ; car cela ne peut se concevoir ; on ne peut pas dire davantage qu’elles n’ont aucune réalité ; ce ne sont pas non plus des substances incorporelles inhérentes au corps, ni des parties du corps ; mais elles constituent par leur ensemble la substance éternelle et l’essence du corps tout entier. Il ne faut pas croire cependant que le corps en soit composé comme un agrégat est formé de particules de moindre dimension, atomes ou grandeurs quelconques plus petites que le composé lui-même ; elles constituent seulement par leur réunion, je le répète, la substance éternelle du corps. À chacun de ces attributs répondent des idées et des perceptions particulières ; mais ils ne peuvent être perçus indépendamment du sujet tout entier ; l’ensemble de toutes ces perceptions forme l’idée de corps. Les corps possèdent souvent aussi d’autres attributs qui ne leur sont pas éternellement inhérents, mais qui ne peuvent pas non plus être rangés parmi les choses invisibles et incorporelles. Ainsi, il suffit d’exprimer l’idée générale du mouvement de translation pour faire concevoir à l’instant certaines qualités distinctes et de ces ensembles qui, pris dans leur totalité reçoivent le nom de corps, et des attributs nécessaires et éternels sans lesquels le corps ne peut être conçu. Certaines perceptions répondent à ces attributs ; mais cependant ils ne peuvent être connus abstractivement et indépen-