Page:Diogène Laërce - Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, trad. Zévort.djvu/590

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raison lui procure les biens les plus grands et les plus précieux ; et ces biens, il en jouit et en jouira tout le temps de sa vie.

L’homme juste vit dans un calme parfait ; l’homme injuste dans une agitation perpétuelle.

Une fois que la douleur, suite du besoin, a été soulagée, les plaisirs du corps ne peuvent plus s’accroître ; on ne peut que les varier.

Le bonheur le plus parfait pour l’âme dépend de ces réflexions et des opinions analogues sur toutes les questions qui jettent le plus de trouble et d’épouvante dans l’esprit.

Un temps limité ne procure pas moins de plaisir qu’une éternité, quand on mesure avec la raison les bornes du plaisir. Si le corps pouvait éprouver des jouissances infinies, il lui faudrait disposer de l’éternité ; mais la raison, en nous faisant concevoir la fin et la dissolution du corps, en nous affranchissant des craintes relatives à l’éternité, nous procure tout le bonheur dont la vie est susceptible, si bien que nous n’avons plus besoin d’embrasser l’éternité dans nos désirs.

Dans cette disposition d’âme, l’homme est heureux alors même que les soucis l’engagent à quitter la vie ; pour lui, mourir ainsi, c’est seulement interrompre une vie de bonheur.

Celui qui connaît la fin de la vie sait combien il est facile de se débarrasser des douleurs que cause le besoin, et d’atteindre pendant tout le cours de sa carrière à la félicite parfaite ; aussi ne s’inquiète-t-il point de poursuivre des choses que l’on ne peut atteindre qu’à travers les luttes et les dangers.

Il faut nécessairement arrêter fermement dans son esprit le but de la vie, et se bien fixer sur les principes incontestables auxquels doivent être rapportées toutes nos opinions ; autrement il n’y aura dans toute la conduite que trouble et incertitude.

Si on rejette l’autorité de tous les sens, il ne restera plus aucune base fixe à laquelle on puisse rapporter le jugement lorsqu’on accusera d’erreur l’un d’entre eux.