Page:Diogène Laërce - Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, trad. Zévort.djvu/608

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

les ouvriers adonnés aux arts manuels, Plotin avait pour lui une affection toute particulière ; il le comblait d’éloges et le proposait souvent comme exemple des avantages de la philosophie.

Parmi les auditeurs de Plotin était aussi Serapion d’Alexandrie, qui, d’abord rhéteur, avait ensuite pris goût aux entretiens philosophiques, sans pouvoir cependant se défaire d’un vice invétéré, l’avarice et l’habitude de l’usure. Enfin je comptais moi-même au nombre de ses disciples les plus chers, moi Porphyre de Tyr, et c’est à moi qu’il confia le soin de corriger ses ouvrages.

VIII.

Ce que Plotin avait une fois écrit, il ne le retouchait jamais ; il ne s’inquiétait même pas de le revoir et de le relire, sa vue étant trop faible pour supporter la lecture. Quand il composait, il n’avait nul souci de bien former les lettres, ni de distinguer exactement les syllabes ; peu lui importait même l’orthographe des mots. Il n’avait en vue que la pensée, et, ce qui était pour nous tous un sujet d’étonnement, il ne se départit pas de cette habitude jusqu’à sa mort. Lorsqu’une fois il avait réfléchi sur une question et l’avait traitée mentalement du commencement à la fin, il se mettait à l’œuvre, et écrivait de suite, sans aucune hésitation, ce qu’il avait coordonné dans sa pensée, comme s’il n’avait fait que copier un livre placé sous ses yeux. Lui arrivait-il de s’interrompre pour parler à quelqu’un, et se mêler à un entretien ? il était tellement tout à son sujet, qu’alors même qu’il satisfaisait aux nécessités des relations amicales, il n’y avait aucune interruption dans la suite de ses pensées. Lorsque