Page:Diogène Laërce - Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, trad. Zévort.djvu/624

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que si à l’époque où Longin m’appelait auprès de lui, j’avais pu l’aller rejoindre et l’entretenir, jamais il n’eût écrit contre Plotin comme il l’a fait avant d’être revenu de ses préventions.

XXI.

Mais qu’est-il besoin, comme dit Hésiode, de parler autour des chênes et des rochers ? S’il est juste de s’en rapporter au témoignage des sages, qui peut être plus sage qu’un dieu, plus sage que le dieu qui a dit à bon droit de lui même : « Je connais le nombre des grains de sable et l’étendue de la mer ; je comprends le muet ; j’entends celui qui ne parle pas ? » Amélius ayant demandé à Apollon en quels lieux habitait l’âme de Plotin, le même dieu qui avait proclamé Socrate le plus sage des hommes rendit sur Plotin un oracle conçu en ces termes :

Je veux faire entendre un hymne immortel ; je veux, pour célébrer un ami bien doux, que ma lyre harmonieuse, touchée par l’archet d’or, mêle ses accords aux plus doux chants. Muses, je vous appelle ; venez former un divin concert ; confondez dans une même harmonie toute la puissance de vos voix mélodieuses, comme au jour où vous formâtes un chœur en l’honneur du petit-fils d’Eacus, pour chanter avec Homère les fureurs des immortels. Accourez donc, chœur sacré de Muses, que nos voix se marient et fassent retentir les plus sublimes accords ; Phébus à l’épaisse chevelure est au milieu de vous.

Ô génie ! — car tu as dépouillé l’humanité pour te rapprocher de la sphère plus divine des génies en brisant les chaînes de la destinée qui t’attachaient à la terre. — Affranchi enfin de l’esclavage de ces membres qu’agitent de si furieuses tempêtes, tu t’es élancé, par la puissance de l’intelligence, vers des rivages sans borne ; tu as nagé vers des bords tranquilles, bien loin de la foule perverse. Tu t’es établi à jamais dans cette route unie que parcourent les âmes pures, là où brille le flambeau divin, là où fleurit la justice, dans une atmosphère