Page:Discours de Garcin de Tassy, 1857.djvu/13

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toirs de l’Iran. Dans chaque boutique les roupies tintent… S’il s’agissait d’approvisionner un royaume entier, un seul marchand pourrait le faire à l’instant. Si une armée entière voulait des munitions, on en trouverait là suffisamment en un seul jour. L’ouvrier n’y est jamais sans travail ; la vente et l’achat ont lieu sans cesse. Le magasin de pierres précieuses le moins fourni est une véritable mine de pierreries. Si on transportait ici les richesses de toute une partie du monde, un seul banquier pourrait s’en charger sur-le-champ… Chaque boutique est par sa beauté l’image du printemps… le manque d’aucune chose ne s’y fait sentir… Partout il y a du monde en foule, partout règne la gaîté… Chaque endroit de cette ville est délicieux et dans un état prospère : il y a un grand nombre de mosquées, de monastères, de collèges, et quantité de grandes et belles maisons… »

Le principal acteur des scènes cruelles qu’on a eu à déplorer, c’est le farouche Hindou Nana Sahib (le sieur Grand-Père), fils adoptif du peschwa des Mahrattes Baji Râo, qui avait fixé sa résidence à Bhitour, auprès de Cawnpour. On dit que cet homme sanguinaire parle et écrit admirablement l’anglais, chose assez commune à la vérité chez les Indiens instruits, et qu’on lui doit une traduction du Hamlet de Shakespear. Mais si beaucoup d’Indiens ont commis des cruautés dans ce malheureux soulèvement, combien d’autres ont été fidèles à leurs maîtres étrangers et ont exposé leur vie et celle de leur famille pour sauver des Anglais qui leur étaient quelquefois inconnus. D’ailleurs, comme l’a dit lord Palmerston au dernier banquet annuel du lord maire, « si les coupables doivent se compter par milliers, les innocents doivent se compter par millions. »

Les journaux ont cité nombre de faits d’un admirable dévouement. La plupart des princes indiens ont fait tout ce qu’ils ont pu dans l’intérêt des Anglais. Ils leur ont prêté leurs soldats et leur ont fourni de l’argent et des provisions. En Aoude même plusieurs rajas ont secouru les Anglais au péril de leur propre vie et en ont sauvé un bon nombre.

Le maharaja de Gualior, Scindia, qui avait apprécié la civilisation européenne, car il avait établi dans ses États avant l’insurrection trente et une écoles qui comptaient quatre-vingt-dix professeurs, lesquels donnaient une éducation digne du contact avec les Anglais à plus de deux mille cinq cents enfants indiens[1] ; Scindia, dis-je,

  1. Allen’s Indian Mail, no  du 1er septembre 1857.