Page:Documents obtenus des archives du Département de la marine et des colonies à Paris, par l'entremise de M. Faribault, lors de son voyage en Europe en 1851, c1851.djvu/7

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VII

Ce n’est que par là, Monseigneur, que vous pouvez mettre la paix et la tranquillité dans ce pays, lequel sans cette précaution si juste, sera toujours malheureux et hors d’état de pouvoir augmenter, ses habitants qui devraient être occupés à cultiver leurs terres étant obligés de les quitter tous les jours pour soutenir souvent de mauvais procès ; je connais ce mal, Monseigneur, par toutes les affaires qui viennent continuellement pardevant moi et dont on peut vous dire que j’ai été accablé depuis que j’y suis, parce que ces pauvres habitants me trouvant d’un accès facile et n’étant point obligés de mettre la main à la bourse pour plaider, il n’y a guère de jour que je n’aie rendu plusieurs ordonnances sur toutes les affaires qui se sont faites entr’eux avant que j’y arrivasse ; il y en a même qui craignant les procès, viennent m’en demander pour empêcher ceux qu’on pourrait leur faire à l’avenir, l’ignorance où ils sont leur faisant craindre les moindres menaces qui leur sont faites sur ce sujet par d’autres aussi ignorants qu’eux.

J’ai eu l’honneur de vous dire, Monseigneur, que si S. Majesté leur donne la déclaration que j’ai l’honneur de vous demander pour eux, il est nécessaire pour assurer la propriété des terres à ceux qui les possèdent, d’y insérer en vertu d’un titre tel qu’il soit, en y ajoutant même, quand il n’y aurait que la simple possession, parce qu’on n’a pas observé ici beaucoup de formalités dans les concessions qu’on a faites, Plusieurs habitants ont travaillé sur la parole des seigneurs, d’autres sur de simples billets qui n’exprimaient point les charges de la concession. Il est arrivé de là un grand abus qui est que ces habitants qui avaient travaillé sans un titre valable, ont été assujétis à des rentes et à des droits fort onéreux, les seigneurs ne leur voulant donner des contrats qu’à ces conditions, lesquelles ils étaient obligés d’accepter, parce que sans cela ils auraient perdu leurs travaux ; cela fait que quasi dans toutes les seigneuries les droits sont différents : les uns paient d’une façon, les autres d’une autre, suivant les différents caractères des seigneurs qui les ont concédés. Ils ont introduit même presque dans tous les contrats, un retrait roturier dont il n’est point parlé dans la Coutume de Paris, qui est néanmoins celle qui est observée dans ce pays, en stipulant que le seigneur, à chaque vente, pourrait retirer les terres qu’il donne en roture pour le même prix qu’elles seraient vendues, et ils ont abusé par là du retrait conditionnel dont il est parlé dans cette Coutume, qui est quelquefois stipulé dans les contrats de vente où le vendeur se réserve la faculté de réméré, mais il ne se trouve point établi du seigneur au tenancier ; cette préférence, Monseigneur, gène mal à propos toutes les ventes,

Il y a des concessions où les chapons qu’on paie aux seigneurs, leur sont payés ou en nature où en argent au choix du seigneur ; ces chapons sont évalués à 30 sous et les chapons ne valent que 10 sous ; les seigneurs obligent leurs tenanciers de leur donner de l’argent, ce qui les incommode fort, parce que souvent ils en manquent, car quoique 30 sous paraissent peu de chose, c’est beaucoup dans ce pays où l’argent est très rare, outre qu’il me semble que dans toutes les redevances, quand il y a un choix, il est toujours au profit du redevable, l’argent étant une espèce de peine contre lui quand il n’est pas en état de payer en nature.

Les seigneurs ont encore introduit dans leurs concessions le droit de four banal dont les habitants ne peuvent jamais profiter parce que les habitations étant fort éloignées