Page:Dodge Stahl - Les Patins d argent.djvu/100

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Ben se sentait presque enclin à croire que ce n’étaient que deux automates comme ceux du jardin de Broek, car ils firent tous deux et au même instant un signe de tête identique et continuèrent leur besogne d’une manière aussi raide et aussi régulière qu’auraient pu le faire deux machines. Le vieil homme envoyait ses bouffées de fumée et sa femme faisait claquer ses aiguilles l’une contre l’autre comme si elles avaient été mues par des roues intérieures. La fumée elle-même qui s’échappait de la pipe immobile, quelque réelle qu’elle fût, ne prouvait rien en faveur de l’hypothèse de la vitalité du fumeur. L’automate fumeur n’est pas une impossibilité.

Mais la fillette aux joues roses ! C’est elle qui se donnait du mal ! Quel empressement à offrir aux jeunes gens des chaises à hauts dossiers polis ! Quelle vivacité à ranimer le feu ! Elle faillit faire pleurer d’attendrissement Jacob Poot, en plaçant devant lui un énorme morceau de pain d’épice et un broc de bière. Elle rit de bon cœur et secoua gaiement la tête à la vue de l’appétit féroce déployé par les écoliers qui dévoraient le pain d’épice avec la gloutonnerie d’animaux sauvages, tout en essayant de déployer leur savoir-vivre des dimanches. Mais où elle eut la mine déconfite, ce fut lorsque Peter refusa poliment, mais avec fermeté, la choucroute et le pain noir qu’elle leur offrait !

Pour se consoler sans doute, elle tira la mitaine de Poot, déchirée au pouce et se mit à la raccommoder sous ses yeux, cassant le fil avec ses blanches dents et disant, tout en le mordillant, au bon garçon tout confus d’être l’objet d’une si gentille attention : « Ce sera plus chaud, Mynheer. » Finalement elle donna une poignée de main à chacun des jeunes gens, et demandant d’un regard à l’automate femelle sa permission, elle insista pour qu’ils remplissent leurs poches de pain d’épice.