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ABRÉGÉ DE LA MISSION DE KENTÉ.

tin ne fut que de quelques citrouilles fricassées avec de la graisse et que nous trouvâmes bonnes ; aussi sont-elles excellentes en ce pays et ne peuvent entrer en comparaison avec celles de l’Europe, même on peut dire que c’est leur faire tort que de leur donner le nom de citrouilles ; il y en a d’une très-grande quantité de figures, et aucune n’a quasi rapport avec celles de France, même il y en a de si dures qu’il faut avoir des haches lorsqu’elles ne sont pas cuites et qu’on les veut ouvrir, toutes ont des noms différents. Un pauvre homme, n’ayant rien de quoi nous donner, fut tout le long du jour à la pêche afin de nous attraper quelque chose, et n’attrapant qu’un petit brocheton nous le présenta tout déconforté et confus de n’avoir que cela à nous donner : il n’y a rien qui soit plus capable de mortifier un Iroquois que quand il voit arriver quelque étranger dans son pays et qu’il n’a rien de quoi leur présenter, ils sont fort hospitaliers et vont très-souvent convier ceux qui arrivent à leur nation de venir loger chez eux. Il est vrai que depuis qu’ils hantent les Européens ils commencent à se comporter d’une autre façon. Mais voyant que les Anglais et Flamands leur vendent tout jusqu’à un homme, ils les aiment moins que les Français qui ordinairement leur font présent de pain et autres petites choses quand ils vont chez eux. On ne peut pas être reçu avec plus d’amitié que nous reçurent ces barbares, chacun fit ce qu’il put, jusqu’à une bonne vieille qui par grand régale, jetta un peu de sel dans une sagamité on bouillie au bled-d’Inde qu’elle nous faisait. Après avoir un peu respiré l’air de ce pays, nous délibérâmes, M. de Fénélon et moi, ce que nous avions à faire sur le sujet de la religion, nous convînmes pour cela de nous adresser au chef du village appelé Rohiario, lequel nous avait obligé d’aller en son pays ensuite de quoi nous lui allâmes… qu’il savait assez qu’il nous était venu chercher afin de les instruire, que nous n’étions venu que pour cela, qu’il commencerait à nous aider dans ce dessein, qu’il avertit dans son village un chacun d’envoyer ses enfants dans notre cabane afin d’être enseignés, ce qu’ayant réussi comme nous l’avions désiré, quelque temps après, nous priâmes le même sauvage de trouver bon et de faire agréer à sa nation que nous baptisassions leurs enfants ; à cela ce vieillard répondit : « On dit que le lavement d’eau (c’est ainsi qu’ils appelent le baptême) fait mourir les enfants ; si tu baptises et qu’ils meurent on dira que tu est un Andastogueronon, (qui sont leurs ennemis,) lequel est venu dans notre village pour nous détruire. » Ne crains rien, répondis-je, ce sont des mal avisés qui ont dit que le baptême tuait les enfants, car nous autres Français nous sommes tous baptisés et sans cela, nous n’irions pas au ciel, et pourtant tu sais bien que