Page:Dollier de Casson - Histoire du Montréal, 1640-1672, 1871.djvu/18

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Jésuite ; huit jours après le départ, le vaisseau de Mlle  Mance fut séparé de celui de M. Maison-Neufve ; le vaisseau où était Mlle  Mance n’expérimenta quasi de la bonasse, celui de M. de Maison-Neufve éprouva de si furieuses tempêtes qu’il fut obligé de relâcher par trois fois, il est vrai que son vaisseau faisait beaucoup d’eau et l’obligeait autant à cela que le mauvais temps, dans ses relâches, il perdit trois ou quatre de ses hommes, entre autres son chirurgien qui lui était le plus nécessaire. Mlle  Mance arriva fort heureusement à Kébecq où d’abord elle eut la consolation de savoir que dix hommes qui avaient été envoyés par messieurs de la compagnie du Montréal, cette même année par Dieppe, étaient déjà arrivés et étaient occupés à construire un magasin sur les bords de l’eau, dans un lieu qui avait été donné par M. de Montmagny[1] pour la compagnie du Montréal. D’ailleurs elle fut dans une grande inquiétude au sujet de M. de Maison-Neufve dont elle ne recevait aucune nouvelle et qu’à Kébecq on croyait communément ne pas devoir atteindre cette année là, de quoi quelques-uns surpris pour n’avoir pas eu la conduite de cet ouvrage comme ils le croyaient, ne paraissaient pas du tout fâchés, ils se plaignaient fort du grand pouvoir qui avaient été donné à M. de Maison-Neufve, ce qui donna lieu aux premières attaques dont cette entreprise a été éprouvée ; ces personnes sachant que Mlle  Mance était très-nécessaire au dessein, on l’a voulut détourner par toutes les voies possibles ; mais elle avait trop de courage pour y consentir, et au reste Dieu s’étant déjà trop déclaré pour ce lieu, il n’avait garde de souffrir qu’on l’abandonna ; enfin M. de Maison-Neufve arriva à Tadoussac ; il y trouva par hasard un de ses intimes, M. de Courpron, qui était amiral de la flotte du Canada ; il lui dit son désastre pour la perte de son chirurgien ; de Courpron lui offrit le sien en la place, ce chirurgien sachant la chose se présenta gaiement et fit descendre son coffre dans la chaloupe de M. de Maison-Neufve avec lequel tout soudain il alla à Kébecq, où ils arrivèrent le vingtième d’août. Aussitôt que M. de Maison-Neufve y fut, il apprit par Mlle  Mance qu’il devait se disposer à être moins bien reçu de certaines personnes qu’il ne se promettait pas, ce qu’il vit bientôt après ; la vive affliction qu’ils ressentirent tous les deux modéra un peu la joie qu’ils avaient l’un et l’autre de se voir, malgré toutes les oppositions et bourrasques de la mer dans ce lieu tant désiré ; mais enfin comme les meilleurs chrétiens sont généralement ceux auxquels Jésus Christ fait ordinairement le plus de part des amertumes de

  1. Charles Huant de Montmagny, second gouverneur-général du Canada et successeur de Champlain de 1636 au 20 août 1648 qui fut remplacé par M. Louis D’Aillebout de Coulonges, ex-gouverneur de Montréal.