une médiocre peine, car y ayant eu quantité de malades, elle les a
tous servis en qualité d’infirmière avec un soin indicible, non seulement
sur la mer mais encore à Québec. Mlle Mance ayant
appris quelle était cette fille, commença à la caresser, et je dis
beaucoup, en quoi elle avait bien raison, et qui se manifesta assez
par les grands services qu’elle a rendus depuis à Dieu et au Montréal,
surtout dans les instructions qu’elle a faites aux personnes de son
sexe, à quoi elle a travaillé depuis incessamment et avec tant de profit que plusieurs autres bonnes filles se sont rangées auprez
d’elle afin de la seconder, avec lesquelles depuis plusieurs années
elle a fait ici un corps de communauté, laquelle a été depuis autorisée
par lettres patentes du Roi ; ce que j’admire ici dedans est
que ces filles, étant sans biens, soient si désintéressées, qu’elles
veuillent instruire gratis et font beaucoup d’autres choses de cette
manière, et que néanmoins par la bénédiction que Dieu verse sur
le travail de leurs mains, elles aient sans avoir été à charge à personne,
plusieurs maisons et lettres en valeur dans l'isle de Montréal,
et que cette bonne sœur en divers lieux, vienne de faire comme
elle a fait, un voyage de France de deux ans, dans lequel, sans amis
ni argent, elle a subsisté, obtint ses expéditions de la cour, et
revenue avec 12 ou 13 filles dont il y en avait bien peu qui eussent
de quoi payer leur passage. Tout cela est admirable et fait voir la
main de Dieu. Mais laissons là cette bonne fille, puisqu’aussi bien
ce que nous disons de ce dernier voyage où elle a apporté ses
patentes ne fait que de s’accomplir et n’appartient point à l’année
dont nous traitons. Disons plus tôt que tout le monde que M. de
Maison-Neufve amena cette année, étaient de bons et braves gens
dont la pluspart a péri pour le soutien et défense du pays. M. de
St. André eut l’honneur de lever ce monde sous M. de Maison-Neufve,
dans les provinces d’Anjou, du Maine, de Poitou, de Bretagne
qu’il avait été désigné pour cet effet. Ce qui nous reste
aujourd’hui de ces gens-là, sont de fort bons habitants dont le nom
sera, je l’espère, mentionné dans le livre de vie pour la récompense
de leurs bonnes actions. Si la manière d’écrire les histoires me
permettait de les nommer tous, je les nommerais joyeusement,
parcequ’il y en a bien peu qui n’aient mérité leur place dans cette
relation, mais puisque le discours historique ne m’accorde plus
cette liberté, ils m’excuseront si je ne le fais pas, aussi bien cela ne
leur produirait qu’un peu de fumée qui pourrait obscurcir la
juste récompense qu’ils en attendent de celui pour qui ils ont travaillé.
Enfin M. de Maison-Neufve ayant raconté toutes ces choses
à Mlle Mance, et ayant laissé quelques jours ses soldats rafraîchir,
demanda deux barques pour les monter au Montréal, dont celle de
Page:Dollier de Casson - Histoire du Montréal, 1640-1672, 1871.djvu/58
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