Page:Dollier de Casson - Histoire du Montréal, 1640-1672, 1871.djvu/61

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le parti Iroquois, lequel fit tout d’un coup faire bride en main à nos gens et demeurer sur une défensive où ils eussent été battus sans que M. le Major vint au secours, lequel voyant que la Barique était le principal soutien de nos ennemis, il commanda à un fort bon tireur qu’il avait auprès de lui, de percer au plus tôt ce tonneau d’un coup de fusil afin qu’en ayant tiré le jus, les ennemis ne s’en pussent davantage prévaloir et fortifier. Cet homme commandé ne manqua pas son coup et fit son approche sur ce personnage, lequel était monté sur une souche où il exhortait ses gens et leur disait ce qu’ils devaient faire dans le combat, comme si c’eut été un Européen. Notre Français étant parvenu à la portée raisonnable de son fusil, il en frappa si droit et si rudement la Barique qu’elle en tomba par terre et commença à ruisseler de toutes parts à cause que le fusil était chargé de gros plombs et qu’il le reçut quasi tout dans son corps ; les ennemis furent si découragés par la perte de cet homme qu’ils croyaient mort qu’ils s’enfuirent aussitôt et nous laissèrent maître du champ, cela fait, on remmena ici. Lorsqu’il fut revenu à soi, sa cruauté se changea totalement par la douceur qu’on lui fit paraître eu le guérissant autant qu’il se pouvait ; il est vrai qu’il en est demeuré extrêmement estropié et inhabile à tout, mais il a vu qu’il n’a pas tenu aux Français s’il n’a pas été complètement remis, c’est pourquoi il a été tellement gagné par cette humanité que depuis, il a pris toujours nos intérêts fort à cœur, ce qui n’a pas empêché que ses amis qui le croyaient mort ne nous fissent cruellement la guerre pour s’en venger, entre autres son frère, qui était tellement acharné sur nous, à cause de lui, que tous les jours nous l’avions sur les bras, même une fois, il fit quatre attaques différentes dans une journée afin de se venger, mais à la dernière ayant ouï la Barique qui l’appelait et qu’on avait porté exprès sur le lien du combat, il lui cria : “ Est-ce toi, mon frère, es-tu encore en vie ? ”--“ Oui, lui dit-il, et tu veux tuer mes meilleurs amis.” À ces mots, il vint à lui doux comme un agneau et promit de ne nous jamais faire la guerre : il dit qu’il allait promptement chercher tous les prisonniers Français qu’il y avait dans leur pays, qu’il allait travailler à la paix pour revenir dans un certain temps qu’il marqua afin de la conclure. Tout ce qu’il promit, il le garda, hormis que n’ayant pu résoudre les esprits de ses camarades aussi vite qu’il l’avait promis, il fut obligé de retarder plus qu’il ne l’avait dit ; mais dans ce retardement, il arriva une affaire qui rendit souple tous ses gens là à tout ce qu’il voulait d’eux. Voici comme la chose se passa. Les Iroquois ayant ce printemps détruit l’Isle aux Oies et tout ce qui s’y rencontra hormis les petits enfants de Messieurs Moyen et Macar,