Page:Dollier de Casson - Histoire du Montréal, 1640-1672, 1871.djvu/7

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dépeignait de toutes parts, non-seulement quant aux castes et partie extérieure de l’Isle, mais encore il en dépeignait le dedans avec la même facilité, il en disait la beauté et bonté et largeur dans ses différents endroits ; enfin il discourait si bien du tout qu’allant un jour parler au Révérend Père Chauveau ou Chameveau, Recteur du Collège de la Flèche qui le connaissait, et lui disant que Dieu lui avait fait connaître cette Isle la lui représentant comme l’ouvrage à laquelle il devait donner ses travaux afin de contribuer à la conversion des sauvages, par le moyen d’une belle colonie Française qui leur pouvait faire sucer un lait moins barbare ; cependant il vit ce qu’il devait faire et s’il croyait que cela fut de Dieu oui ou non, alors ce père éclairé du ciel, convaincu parce qu’il entendait de sa bouche lui dit : « N’en doutez pas M. employez-vous y tout de bon. » Etant revenu des Jésuites, incontinent il dit tout ce qui s’était passé à M. le baron de Fauquant, gentilhomme fort riche qui était depuis peu venu demeurer chez luy, comme dans une école de piété, afin d’apprendre à bien servir N. Seigneur, Dieu l’ayant voulu conduire tout exprès sous ce pieux prétexte en la maison de son serviteur afin qu’il se trouva là à propos pour commencer le travail de cette nouvelle vigne, sur quoi il est à remarquer que ce pieux baron ayant vu la même relation que M. de la Doversière en avait été tellement touché qu’il ne lui eut pas plus tard fait connaître à quoi l’avait destiné le bon père Chauveau, qu’aussitôt il s’offrit à lui afin de s’associer pour le même dessein ; ces deux serviteurs du Tout-Puissant étant ainsi unis, ils prirent résolution d’aller de compagnie à Paris, afin de former quelque saint parti qui voulut contribuer à cette entreprise ; y étant arrivé, M. de la Doversière alla dans un hôtel où N. Seigneur conduisit feu M. Hollie, ces deux serviteurs de J. Christ en se rendant dans ce palais furent soudain éclairés d’un rayon céleste et tout à fait extraordinaire, d’abord ils se saluèrent, ils s’embrassèrent, ils se connurent jusqu’au fond du cœur, comme St. François et St. Dominique, sans se parler, sans que personne leur en dit mot et sans que jamais ils se fussent vus. Après ces tendres embrassements, ces deux serviteurs de notre maître céleste, M. Olier dit à feu M. de la Doversière : « Je sais votre dessein, je vas le recommander à Dieu au saint autel. » Cela dit, il le quitta et alla dire la sainte messe que M. de la Doversière alla entendre, le tout avec une dévotion difficile à exprimer quand les esprits ne sont pas embrasés du même feu qui consumait ces grands hommes ; l’action de grâce faite, M. Holie donna cent pistoles à M. de la Doversière, lui disant : « Tenez voilà pour commencer l’ouvrage de Dieu. » Ces cent louis ont été le premier argent qui ait été donné pour cet œuvre, prémices qui