Page:Dollier de Casson - Histoire du Montréal, 1640-1672, 1871.djvu/80

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outre et jugez, comprenant tout ce qu’il fallait acheter pour le Canada, de la dépense qu’on fit surtout à cause du retardement à La Rochelle qui fut de trois mois cette année, jugez combien il en coûta à Messieurs de la compagnie du Montréal, au Séminaire de St. Sulpico et à l’hôpital, qui tous trois portaient les frais de ce voyage ; jugez de la peine où étaient ces deux bons prêtres et ces trois religieuses avec Mlle. Mance, car enfin tout se vit il la veille de demeurer sans qu’à la fin le maître du navire qui était préparé et qui ne tenait qu’à de l’argent et résolut de tout embarquer sur leur parole, les voilà donc en mer, mais n’allèrent pas longtemps, que leur navire qui avait servi deux ans d’hôpital à l’armée sans en avoir fait depuis la quarantaine infecta les passagers de la peste, 8 ou 10 de ces gens moururent de prime abord sans qu’on permit aux religieuses de s’exposer, mais enfin on accorda à leurs instances qu’elles commenceroient leurs fonctions d’hospitalières dans lesquelles elles eurent ce bonheur ayant commencé ces premiers travaux de leur mission qu’il ne mourut plus personne, encore qu’il y eut bien des malades, au reste nous pouvons bien dire que la Sœur Marguerite Bourgeois fut celle qui travailla autant pendant toute la route et que Dieu pourvut aussi de plus de sa santé pour cela, que s’il y eut bien des fatigues dans ce voyage il y eut aussi bien des consolations pour la bonne fin que faisaient ces pauvres pestiférés, que ces deux prêtres du séminaire de St. Sulpice dont nous avons parlé assistaient autant qu’ils le pouvaient, que leur corps aussi accablé de la maladie permettaient, ils assistèrent deux Huguenots entre ces malades qui firent leur abjuration avant de paraître devant ce juge qui jugera rigoureusement ceux qui veulent défendre aujourd’hui de juger les erreurs de leur religion prétendue réformée, afin d’avoir la liberté d’y demeurer pour leur confusion éternelle ; mais passons cette mer et disons qu’après les efforts de la maladie, les vagues de la mer essuyées, voilà enfin le navire arrivé à Québecq, après avoir bien vogué, que si ces religieuses se croyaient être en ce lieu au bout de toutes les tempêtes, elles se trompaient fort, car elles y en essuyèrent une si grande qu’elles eurent de la peine à mettre pied à terre et ne l’eussent peut-être jamais fait si l’astre nouveau qui depuis ce temps éclaire notre église ne leur eut été assez favorable pour dissiper qui la causait ; de quoi le Montréal fut bien obligé, car il contribua ainsi à lui donner ces bonnes filles. Ensuite de ceci, nous avons le retour de Mr. l’abbé de Quélus en France qui affligea beaucoup ce lieu ; ainsi en cette vie, les douceurs sont mélangées d’amertumes. Quand à toute la flotte arrivée par ce lieu, elle y monta à la joie extrême d’un chacun et ces deux bonnes religieuses qui y