Page:Dorgelès - Le Cabaret de la belle femme.djvu/101

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soupira-t-il… Eh bien, vous voyez, messieurs, je suis caché dans une cave, blessé à la jambe. J’y suis depuis que vous avez pris le village ; heureusement, ma musette était pleine… J’attendais pour sortir que ça bombarde moins… Et puis, j’avais un peu peur de partir à l’arrière sans escorte ; une mauvaise rencontre, un Sénégalais qui vous aperçoit, sait-on jamais…

Mahieu écoutait bouche bée.

— Mais, dis donc, fit-il, tu parles bien français.

— Et comment, répondit le prisonnier flatté… Avant la guerre, j’habitais Paris. J’étais garçon chez Hans…

— Connais pas, avoua le pépère. Je suis de Sotteville.

Le Boche fit une légère grimace.

— Oui, dit-il, du bout des lèvres : la campagne… Enfin ça fait tout de même plaisir de se retrouver… Maintenant, vous allez m’aider à sortir de là. L’escalier est bouché, il n’y a plus que ce soupirail.

Compatissants, les deux soldats s’agenouillèrent et commencèrent par déplacer les lourds moellons qui obstruaient l’ouverture. Lorsque le jour fut suffisant, ils prirent le gros Allemand sous les bras, et aidés par le premier prisonnier, qui tirait son camarade par la tête, sans entendre ses plaintes, ils parvinrent à sortir le blessé qui geignait. Il était touché légèrement, à la cuisse.

— J’ai soif, leur dit-il. Je n’ai rien bu depuis hier. Je vous en prie, donnez-moi à boire.